c joie.
-- Pardonnez-moi, dit Monck en souriant, j'allais, moi, une tete
grise... en verite, ou avais-je l'esprit? j'allais, moi, dire une
folie de jeune homme.
-- Alors, vous n'obeiriez pas? dit Athos.
-- Je ne dis pas cela non plus, monsieur. Avant tout, le salut de
ma patrie. Dieu, qui a bien voulu me donner la force, a voulu sans
doute que j'eusse cette force pour le bien de tous, et il m'a
donne en meme temps le discernement. Si le Parlement m'ordonnait
une chose pareille, je reflechirais.
Athos s'assombrit.
-- Allons, dit-il, je le vois, decidement Votre Honneur n'est
point disposee a favoriser le roi Charles II.
-- Vous me questionnez toujours, monsieur le comte; a mon tour,
s'il vous plait.
-- Faites, monsieur, et puisse Dieu vous inspirer l'idee de me
repondre aussi franchement que je vous repondrai!
-- Quand vous aurez rapporte ce million a votre prince, quel
conseil lui donnerez-vous?
Athos fixa sur Monck un regard fier et resolu.
-- Milord, dit-il, avec ce million que d'autres emploieraient a
negocier peut-etre, je veux conseiller au roi de lever deux
regiments, d'entrer par l'Ecosse que vous venez de pacifier; de
donner au peuple des franchises que la revolution lui avait
promises et n'a pas tout a fait tenues. Je lui conseillerai de
commander en personne cette petite armee, qui se grossirait,
croyez-le bien, de se faire tuer le drapeau a la main et l'epee au
fourreau, en disant: "Anglais! voila le troisieme roi de ma race
que vous tuez: prenez garde a la justice de Dieu!"
Monck baissa la tete et reva un instant.
-- S'il reussissait, dit-il, ce qui est invraisemblable, mais non
pas impossible, car tout est possible en ce monde, que lui
conseilleriez-vous?
-- De penser que par la volonte de Dieu il a perdu sa couronne,
mais que par la bonne volonte des hommes il l'a recouvree.
Un sourire ironique passa sur les levres de Monck.
-- Malheureusement, monsieur, dit-il, les rois ne savent pas
suivre un bon conseil.
-- Ah! milord, Charles II n'est pas un roi, repliqua Athos en
souriant a son tour, mais avec une tout autre expression que
n'avait fait Monck.
-- Voyons, abregeons, monsieur le comte... C'est votre desir,
n'est-il pas vrai?
Athos s'inclina.
-- Je vais donner l'ordre qu'on transporte ou il vous plaira ces
deux barils. Ou demeurez-vous, monsieur?
-- Dans un petit bourg, a l'embouchure de la riviere, Votre
Honneur.
-- Oh! je connais ce bourg, il se compo
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