fit-il moitie etonne, moitie inquiet, c'est toi, Amelie?
-- Oui, c'est moi, fit la jeune fille.
Puis, s'approchant de son frere et lui donnant son front a baiser.
-- Tu n'iras pas, dit-elle d'un ton suppliant, n'est-ce pas, mon
ami?
-- Ou cela? demanda Roland.
-- A la chartreuse.
-- Bon? et qui t'a dit que j'y allais?
-- Oh! lorsqu'on te connait, comme c'est difficile a deviner!
-- Et pourquoi veux-tu que je n'aille pas a la chartreuse?
-- Je crains qu'il ne t'arrive un malheur.
-- Ah ca! tu crois donc aux fantomes, toi? dit Roland en fixant
son regard sur celui d'Amelie.
Amelie baissa les yeux, et Roland sentit la main de sa soeur
trembler dans la sienne.
-- Voyons, dit Roland, Amelie, celle qu'autrefois j'ai connue, du
moins, la fille du general de Montrevel, la soeur de Roland, est
trop intelligente pour subir des terreurs vulgaires; il est
impossible que tu croies a ces contes d'apparitions, de chaines,
de flammes, de spectres, de fantomes.
-- Si j'y croyais, mon ami, mes craintes seraient moins grandes:
si les fantomes existent, ce sont des ames depouillees de leur
corps, et, par consequent, qui ne peuvent sortir du tombeau avec
les haines de la matiere; or, pourquoi un fantome te hairait-il,
toi, Roland, qui n'as jamais fait de mal a personne?
-- Bon! tu oublies ceux que j'ai tues a l'armee ou en duel.
Amelie secoua la tete.
-- Je ne crains pas ceux-la.
-- Que crains-tu donc, alors?
La jeune fille leva sur Roland. ses beaux yeux tout mouilles de
larmes, et, se jetant dans les bras de son frere:
-- Je ne sais, dit-elle, Roland; mais, que veux-tu! je crains!
Le jeune homme, par une legere violence, releva la tete qu'Amelie
cachait dans sa poitrine, et, baisant doucement et tendrement ses
longues paupieres:
-- Tu ne crois pas que ce soient des fantomes que j'aurai demain a
combattre, n'est-ce pas? demanda-t-il.
-- Mon frere, ne va pas a la chartreuse! insista Amelie d'un ton
suppliant, en eludant la question.
-- C'est notre mere qui t'a chargee de me demander cela: avoue-le,
Amelie.
-- Oh! mon frere, non, ma mere ne m'en a pas dit un mot; c'est moi
qui ai devine que tu voulais y aller.
-- Eh bien, si je voulais y aller, Amelie, dit Roland d'un ton
ferme, tu dois savoir une chose, c'est que j'irais.
-- Meme si je t'en prie a mains jointes, mon frere? dit Amelie
avec un accent presque douloureux, meme si je t'en prie a genoux?
Et elle se laissa glisser aux
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