uel l'infanterie et la cavalerie pouvaient
passer; mais on essaya vainement de le faire gravir a
l'artillerie, meme en la demontant comme au Saint-Bernard.
Bonaparte fit braquer deux pieces de canon sur la route et ouvrir
le feu contre la forteresse; mais on s'apercut bientot que ces
pieces etaient sans effet; d'ailleurs, un boulet du fort
s'engouffra dans une des deux pieces qui fut brisee et perdue.
Le premier consul ordonna un assaut par escalade; des colonnes
formees dans le village et munies d'echelles s'elancerent au pas
de course et se presenterent sur plusieurs points. Il fallait,
pour reussir, non seulement de la celerite, mais encore du
silence: c'etait une affaire de surprise. Au lieu de cela, le
colonel Dufour, qui commandait une des colonnes, fit battre la
charge et marcha bravement a l'assaut.
La colonne fut repoussee, et le commandant recut une balle au
travers du corps.
Alors, on fit choix des meilleurs tireurs; on les approvisionna de
vivres et de cartouches; ils se glisserent entre les rochers et
parvinrent a une plate-forme d'ou ils dominaient le fort.
Du haut de cette plate-forme, on en decouvrait une autre moins
elevee et qui cependant plongeait egalement sur le fort; a grand-
peine on y hissa deux pieces de canon que l'on mit en batterie.
Ces deux pieces d'un cote, et les tirailleurs, de l'autre,
commencerent a inquieter l'ennemi.
Pendant ce temps, le general Marmont proposait au premier consul
un plan tellement hardi, qu'il n'etait pas possible que l'ennemi
s'en defiat.
C'etait de faire tout simplement passer l'artillerie, la nuit, sur
la grande route, malgre la proximite du fort.
On fit repandre sur cette route du fumier et la laine de tous les
matelas que l'on put trouver dans le village, puis on enveloppa
les roues, les chaines et toutes les parties sonnantes des
voitures avec du foin tordu.
Enfin, on detela les canons et les caissons, et l'on remplaca,
pour chaque piece, les chevaux par cinquante hommes places en
galere.
Cet attelage offrait deux avantages considerables: d'abord, les
chevaux pouvaient hennir, tandis que les hommes avaient tout
interet a garder le plus profond silence; ensuite un cheval tue
arretait tout le convoi, tandis qu'un homme tue ne tenait point a
la voiture, etait pousse de cote, remplace par un autre, et
n'arretait rien.
On mit a la tete de chaque voiture un officier et un sous-officier
d'artillerie, et l'on promit six cents francs pour l
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