ces malheureux jeunes gens, le baron Charles de Sainte-Hermine,
m'a demande comme une faveur la cage n deg. 4. Vous savez que c'est le
nom que nous donnons a nos cellules. Je n'ai pas cru devoir lui
refuser cette consolation, sachant que le pauvre garcon vous
aimait. Oh! soyez tranquille, mademoiselle Amelie: ce secret ne
sortira jamais de ma bouche. Puis il m'a fait des questions, m'a
demande ou etait le lit de votre mere, ou etait le votre; je le
lui ai dit. Alors, il a desire que sa couchette fut placee juste
au meme endroit ou la votre se trouvait; ce n'etait pas difficile:
non seulement elle etait au meme endroit, mais encore c'etait la
meme: De sorte que, depuis le jour de son entree dans votre
prison, le pauvre jeune homme est reste presque constamment
couche.
Amelie poussa un soupir qui ressemblait a un gemissement; elle
sentit, chose qu'elle n'avait pas eprouvee depuis longtemps, une
larme prete a mouiller sa paupiere.
Elle etait donc aimee comme elle aimait, et c'etait une bouche
etrangere et desinteressee qui lui en donnait la preuve.
Au moment d'une separation eternelle, cette conviction etait le
plus beau diamant qu'elle put trouver dans l'ecrin de la douleur.
Les portes s'ouvrirent les unes apres les autres devant le pere
Courtois.
Arrivee a la derniere, Amelie mit la main sur l'epaule du geolier.
Il lui semblait entendre quelque chose comme un chant.
Elle ecouta avec plus d'attention: une voix disait des vers.
Mais cette voix n'etait point celle de Morgan; cette voix lui
etait inconnue.
C'etait a la fois quelque chose de triste comme une elegie, de
religieux comme un psaume.
La voix disait:
_J'ai revele mon coeur au Dieu de l'innocence;_
_Il a vu mes pleurs penitents;_
_Il guerit mes remords, il m'arme de constance:_
_Les malheureux sont ses enfants, _
_ _
_Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colere;_
_"Qu'il meure, et sa gloire avec lui!"_
_Mais a mon coeur calme le Seigneur dit en pere:_
_"Leur haine sera ton appui."_
_ _
_A tes plus chers amis ils ont prete leur rage;_
_Tout trompe ta simplicite:_
_Celui que tu nourris court vendre ton image,_
_Noir de sa mechancete._
_ _
_Mais Dieu t'entend gemir; Dieu, vers qui te ramene_
_Un vrai remords ne de douleurs;_
_Dieu qui pardonne enfin a la nature humaine_
_D'etre faible dans les malheurs._
_ _
_J'eveillerai pour toi la pitie, la justice_
_De l'incorruptible avenir:_
_Eux-memes epureront, par leur long artifice, _
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