! c'est moi qui suis responsable de la piece, c'est moi
qui la dirige; passez votre chemin!
Le general s'avanca vers le canonnier comme pour lui mettre la
main au collet.
Mais celui-ci, faisant un pas en arriere:
-- General, dit-il, ne me touchez pas, ou je vous assomme d'un
coup de levier et je vous jette dans le precipice.
Apres des fatigues inouies, on atteignit le pied de la montee au
sommet de laquelle s'eleve le couvent.
Le general se retira.
La, on trouva la trace du passage de la division Lannes: comme la
pente est tres rapide, les soldats avaient pratique une espece
d'escalier gigantesque.
On l'escalada.
Les peres du Saint-Bernard attendaient sur la plate-forme. Ils
conduisirent successivement a l'hospice chaque peloton formant les
prolonges. Des tables etaient dressees dans de longs corridors,
et, sur ces tables, il y avait du pain, du fromage de Gruyere et
du vin.
En quittant le couvent, les soldats serraient les mains des moines
et embrassaient leurs chiens.
La descente, au premier abord, semblait plus commode que
l'ascension; aussi les officiers declarerent-ils que c'etait a
leur tour de trainer les pieces. Mais, cette fois, les pieces
entrainaient l'attelage et quelques-unes descendaient beaucoup
plus vite qu'ils n'eussent voulu.
Le general Lannes, avec sa division, marchait toujours a l'avant-
garde. Il etait descendu avant le reste de l'armee dans la vallee;
il etait entre a Aoste et avait recu l'ordre de se porter sur
Ivree, a l'entree des plaines du Piemont.
Mais, la, il rencontra un obstacle que nul n'avait prevu: c'etait
le fort de Bard.
Le village de Bard est situe a huit lieues d'Aoste; en descendant
le chemin d'Ivree, un peu en arriere du village, un monticule
ferme presque hermetiquement la vallee; la Doire coule entre ce
monticule et la montagne de droite.
La riviere ou plutot le torrent remplit tout l'intervalle.
La montagne de gauche presente a peu pres le meme aspect;
seulement, au lieu de la riviere, c'est la route qui y passe.
C'est de ce cote qu'est bati le fort de Bard; il occupe le sommet
du monticule et descend jusqu'a la moitie de son elevation.
Comment personne n'avait-il songe a cet obstacle, qui etait tout
simplement insurmontable?
Il n'y avait pas moyen de le battre en breche du bas de la vallee,
et il etait impossible de gravir les rocs qui le dominaient.
Cependant, a force de chercher, on trouva un sentier que l'on
aplanit et par leq
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