seance serait supreme s'il
ne se presentait point de nouveaux temoins a charge: il etait
impossible de condamner les accuses, vu l'absence de preuves.
Les premiers avocats du departement, ceux de Lyon, ceux de
Besancon avaient ete appeles par les accuses pour les defendre.
Ils avaient parle, chacun a son tour, detruisant piece a piece
l'acte d'accusation, comme, dans un tournoi du moyen age, un
champion adroit et fort faisait tomber piece a piece l'armure de
son adversaire.
De flatteuses interruptions avaient, malgre les avertissements des
huissiers et les admonestations du president, accueilli les
parties les plus remarquables de ces plaidoyers.
Amelie, les mains jointes, remerciait Dieu, qui se manifestait si
visiblement en faveur des accuses; un poids affreux s'ecartait de
sa poitrine brisee; elle respirait avec delices, et elle
regardait, a travers des larmes de reconnaissance, le Christ place
au-dessus de la tete du president.
Les debats allaient etre fermes.
Tout a coup, un huissier entra, s'approcha du president et lui dit
quelques mots a l'oreille.
-- Messieurs, dit le president, la seance est suspendue; que l'on
fasse sortir les accuses.
Il y eut un mouvement d'inquietude febrile dans l'auditoire.
Qu'etait-il arrive de nouveau? qu'allait-il se passer d'inattendu?
Chacun regarda son voisin avec anxiete. Un pressentiment serra le
coeur d'Amelie; elle porta la main a sa poitrine, elle avait senti
quelque chose de pareil a un fer glace, penetrant jusqu'aux
sources de sa vie.
Les gendarmes se leverent, les accuses les suivirent et reprirent
le chemin de leur cachot.
Ils repasserent les uns apres les autres devant Amelie.
Les mains des deux jeunes gens se toucherent, la main d'Amelie
etait froide comme celle d'une morte.
-- Quoi qu'il arrive, merci, dit Charles en passant.
Amelie voulut lui repondre; les paroles expirerent sur ses levres.
Pendant ce temps, le president s'etait leve et avait passe dans la
chambre du conseil.
Il y avait trouve une femme voilee qui venait de descendre de
voiture a la porte meme du tribunal, et qu'on avait amenee ou elle
etait sans qu'elle eut echange une seule parole avec qui que ce
fut.
-- Madame, lui dit-il, je vous presente toutes mes excuses pour la
facon un peu brutale dont, en vertu de mon pouvoir
discretionnaire, je vous ai fait prendre a Paris et conduire ici:
mais il y va de la vie d'un homme, et, devant cette consideration,
toutes l
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