cet, autrefois marquis et toujours philosophe, esprit eleve,
impartial, jugeant tres bien les fautes de son parti, peu propre aux
terribles agitations de la democratie, se mettait rarement en avant,
n'avait encore aucun ennemi direct pour son compte, et se reservait pour
tous les genres de travaux qui exigeaient des meditations profondes.
Buzot, plein de sens, d'elevation d'ame, de courage, joignant a une belle
figure une elocution ferme et simple, imposait aux passions par toute
la noblesse de sa personne, et exercait autour de lui le plus grand
ascendant moral.
Barbaroux, elu par ses concitoyens, venait d'arriver du Midi, avec un de
ses amis depute comme lui a la convention nationale. Cet ami se nommait
Rebecqui. C'etait un homme peu cultive, mais hardi, entreprenant, et tout
devoue a Barbaroux. On se souvient que ce dernier idolatrait Roland et
Petion, qu'il regardait Marat comme un fou atroce, Robespierre comme un
ambitieux, surtout depuis que Panis le lui avait propose comme un
dictateur indispensable. Revolte des crimes commis depuis son absence, il
les imputait volontiers a des hommes qu'il detestait deja, et il se
prononca, des son arrivee, avec une energie qui rendait toute
reconciliation impossible. Inferieur a ses amis par l'esprit, mais doue
d'intelligence et de facilite, beau, heroique, il se repandit en menaces,
et en quelques jours il obtint autant de haine que ceux qui pendant toute
la legislative n'avaient cesse de blesser les opinions et les hommes.
Le personnage autour duquel se rangeait tout le parti, et qui jouissait
d'une consideration universelle, etait Petion. Maire pendant la
legislative, il avait, par sa lutte avec la cour, acquis une popularite
immense. A la verite il avait, le 9 aout, prefere une deliberation a un
combat; depuis il s'etait prononce contre septembre, et s'etait separe de
la commune, comme Bailly en 1790; mais cette opposition tranquille et
silencieuse, sans le brouiller encore avec la faction, le lui avait rendu
redoutable. Plein de lumieres, de calme, parlant rarement, ne voulant
jamais rivaliser de talent avec personne, il exercait sur tout le monde,
et sur Robespierre lui-meme, l'ascendant d'une raison froide, equitable,
et universellement respectee. Quoique repute girondin, tous les partis
voulaient son suffrage, tous le redoutaient, et, dans la nouvelle
assemblee, il avait pour lui non-seulement le cote droit, mais toute la
masse moyenne, et beaucoup meme du cote gauche
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