sourde? demanda Benoist.
-- Non, monsieur; j'ecoutais les monteurs.
-- Vous pouvez me laisser", dit M. Vulfran au directeur.
Puis, quand celui-ci fut parti, s'adressent a Perrine restee
debout devant lui:
"Tu sais lire, mon enfant?
-- Oui, monsieur.
-- Lire l'anglais?
-- Comme le francais; l'un ou l'autre, cela m'est egal.
-- Mais sais-tu en lisant l'anglais le mettre en francais?
-- Quand ce ne sont pas de belles phrases, oui, monsieur.
-- Des nouvelles dans un journal?
-- Je n'ai jamais essaye, parce que si je lisais un journal
anglais je n'avais pas besoin de me le traduire a moi-meme,
puisque je comprends ce qu'il dit.
-- Si tu comprends, tu peux traduire.
-- Je crois que oui, monsieur, cependant je n'en suis pas sure,
-- Eh bien nous allons essayer; pendant que les monteurs
travaillent, mais apres les avoir prevenus que tu restes a leur
disposition et qu'ils peuvent t'appeler s'ils ont besoin de toi,
tu vas tacher de me traduire dans ce journal les articles que je
t'indiquerai. Va les prevenir et reviens t'asseoir pres de moi."
Quand, sa commission faite, elle se fut assise a une distance
respectueuse de M. Vulfran, il lui tendit son journal: le _Dundee
News_.
"Que dois-je lire? demanda-t-elle en le depliant.
-- Cherche la partie commerciale."
Elle se perdit dans les longues colonnes noires qui se succedaient
indefiniment, anxieuse, se demandant comment elle allait se tirer
de ce travail nouveau pour elle, et si M. Vulfran ne
s'impatienterait pas de sa lenteur, ou ne se facherait pas de sa
maladresse.
Mais au lieu de la bousculer il la rassura, car avec sa finesse
d'oreille si subtile chez les aveugles, il avait devine son
emotion au tremblement du papier:
"Ne te presse pas, nous avons le temps; d'ailleurs tu n'as peut-
etre jamais lu un journal commercial.
-- Il est vrai monsieur."
Elle continua ses recherches et tout a coup elle laissa echapper
un petit cri.
"Tu as trouve?
-- Je crois.
-- Maintenant cherche la rubrique: _Linen, hemp, jute, sacks
twine_.
-- Mais, monsieur, vous savez l'anglais! s'ecria-t-elle
involontairement.
-- Cinq ou six mots de mon metier, et c'est tout,
malheureusement."
Quand elle eut trouve, elle commenca sa traduction, qui fut d'une
lenteur desesperante pour elle, avec des hesitations, des
anonnements, qui lui faisaient perler la sueur sur les mains, bien
que M. Vulfran de temps en temps la soutint:
"C'est suffisant
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