t si M. Vulfran ne serait pas a l'usine avant
eux.
Ce fut seulement dans l'apres-midi qu'il vint accompagne d'un de
ses neveux, le plus jeune, M. Casimir, car, ne pouvant pas voir
avec ses yeux voiles, il avait besoin qu'on vit pour lui.
Mais ce fut un regard dedaigneux que Casimir jeta sur le travail
des monteurs, qui, a vrai dire, ne consistait encore qu'en
preparation:
"Il est probable que ces garcons-la ne feront pas grand'chose tant
que Fabry ne sera pas de retour, dit-il; au reste il n'y a pas a
s'en etonner avec le surveillant que vous leur avez donne."
Il prononca ces derniers mots d'un ton sec et moqueur; mais
M. Vulfran, au lieu de s'associer a cette raillerie, la prit par
le mauvais cote.
"Si tu avais ete en etat de remplir cette surveillance, je
n'aurais pas ete oblige de prendre cette petite aux cannetieres."
Perrine le vit se cabrer d'un air rageur sous cette observation
faite d'une voix severe, mais Casimir se contint pour repondre
presque legerement:
"Il est certain que si j'avais pu prevoir qu'on me ferait un jour
quitter l'administration, pour l'industrie, j'aurais appris
l'anglais plutot que l'allemand.
-- Il n'est jamais trop tard pour apprendre", repliqua M. Vulfran
de facon a clore cette discussion ou de chaque cote les paroles
etaient parties si vite.
Perrine s'etait faite toute petite, sans oser bouger, mais Casimir
ne tourna pas les yeux vers elle, et presque aussitot il sortit
donnant le bras a son oncle; alors elle fut libre de suivre ses
reflexions: il etait vraiment dur avec son neveu, M. Vulfran, mais
combien le neveu etait-il rogue, sec et deplaisant! S'ils avaient
de l'affection l'un pour l'autre, certes il n'y paraissait guere!
Pourquoi cela? Pourquoi le jeune homme n'etait-il pas affectueux
pour le vieillard accable par le chagrin et la maladie? Pourquoi
le vieillard etait-il si severe avec l'un de ceux qui remplacaient
son fils aupres de lui?
Comme elle tournait ces questions, M. Vulfran rentra dans
l'atelier, amene cette fois par le directeur, qui, l'ayant fait
asseoir sur une caisse d'emballage, lui expliqua ou en etait le
travail des monteurs.
Apres un certain temps, elle entendit le directeur appeler a deux
reprises:
"Aurelie! Aurelie!"
Mais elle ne bougea pas, ayant oublie qu'Aurelie etait le nom
qu'elle s'etait donne.
Une troisieme fois il cria:
"Aurelie!"
Alors, comme si elle s'eveillait en sursaut, elle courut a eux:
"Est-ce que tu es
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