uand elle se voyait seule, elle s'arretait pour
se reposer et respirer.
Mais alors c'etait sa tete qui se mettait en travail, et les
pensees qui la traversaient, de plus en plus inquietantes, ne
faisaient qu'accroitre sa prostration.
A quoi bon perseverer, puisqu'il etait certain qu'elle ne pourrait
pas aller jusqu'au bout?
Elle arriva ainsi dans une foret a travers laquelle la route
droite s'enfoncait a perte de vue, et la chaleur, deja lourde et
brulante dans la plaine, s'y trouva etouffante: un soleil de feu,
pas un souffle d'air, et des sous-bois comme des bas cotes du
chemin montaient des bouffees de vapeur humide qui la
suffoquaient.
Elle ne tarda pas a se sentir epuisee, et, baignee de sueur, le
coeur defaillant, elle se laissa tomber sur l'herbe, incapable de
mouvement comme de pensee.
A ce moment une charrette qui venait derriere elle passa:
"Fait-y donc chaud, dit le paysan qui la conduisait assis sur un
des limons, faut mouri."
Dans son hallucination, elle prit cette parole pour la
confirmation d'une condamnation portee contre elle.
C'etait donc vrai qu'elle devait mourir: elle se l'etait, deja dit
plus d'une fois, et voila que ce messager de la Mort le lui
repetait.
He bien, elle mourrait; il n'y avait a se revolter, ni a lutter
plus longtemps; elle le voudrait, qu'elle ne le pourrait plus; son
pere etait mort, sa mere etait morte, maintenant c'etait son tour.
Et, de ces idees qui traversaient sa tete vide, la plus cruelle
etait de penser qu'elle eut ete moins malheureuse de mourir avec
eux, plutot que dans ce fosse comme une pauvre bete.
Alors elle voulut faire un dernier effort, entrer sous bois et y
choisir une place ou elle se coucherait pour son dernier sommeil,
a l'abri des regards curieux. Un chemin de traverse s'ouvrait a
une courte distance, elle le prit et, a une cinquantaine de metres
de la route, elle trouva une petite clairiere herbee, dont la
lisiere etait fleurie de belles digitales violettes. Elle s'assit
a l'ombre d'une cepee de chataignier, et, s'allongeant, elle posa
sa tete sur son bras, comme elle faisait chaque soir pour
s'endormir.
X
Une sensation chaude sur le visage la reveilla en sursaut, elle
ouvrit les yeux, effrayee, et vit vaguement une grosse tete velue
penchee sur elle.
Elle voulut se jeter de cote, mais un grand coup de langue
applique en pleine figure la retint sur le gazon.
Si rapidement que cela se fut passe elle avait eu cependant l
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