avaient eu tort de s'abstenir, car le banquier perdit
cette taille en tirant une buche qui laissa le meme, son point de trois.
Alors l'esperance revint aux joueurs, et le croupier annonca qu'il y
avait vingt mille francs, mais cette fois ils eurent tort encore, car
ce fut le banquier qui gagna; et ce qu'il y eut de remarquable dans ce
coup, c'est qu'il fut aussi audacieux que l'avait ete le premier: le
prince tira a six et amena un 2; ses adversaires avaient l'un 6, l'autre
7.
Si les pontes furent consternes, Dantin fut etonne, c'etait trop beau,
trop sur pour lui; il y avait la quelque volerie, mais laquelle? Il n'y
voyait rien; il avait beau preter l'oreille, il n'entendait pas le plus
leger bruit de filage dans cette piece silencieuse ou l'anxiete arretait
les respirations. Devenait-il sourd? Il ecouta s'il entendait le
battement de sa montre dans la poche de son gilet, et il l'entendit.
La banque continua en suivant a peu pres la meme marche, sur quatre
coups le banquier en gagnait trois, et presque toujours avec une surete
de tirage extraordinaire. Quand, la banque finie, on apporta devant le
prince la corbeille dans laquelle il devait emporter son gain, elle se
trouva presque remplie de jetons et de plaques; c'etait un desastre.
Pendant que le prince changeait toute cette mitraille d'ivoire et de
nacre contre de vrais billets de banque, il voulut bien, toujours avec
son aimable sourire, promettre a quelques joueurs qu'il reviendrait le
lendemain et leur offrirait leur revanche.
C'en etait assez pour ce soir-la; le cercle se vida presque
completement; bien certainement il ne se passerait plus rien de serieux.
Adeline emmena Dantin dans son cabinet.
--Eh bien? demanda-t-il.
--Le prince est un filou.
--Vous avez vu?
--Rien.
--Alors, comment pouvez-vous porter une pareille accusation contre un
homme dans sa situation et que nous a presente un membre des grands
cercles?
--Vous me demandez mon impression, je vous la donne; si vous voulez que
je ne dise rien, je me tais.
--Mais qui vous fait croire...?
Dantin expliqua ce qui lui faisait croire que le prince etait un filou,
en insistant principalement sur la surete de son tirage:
--Il n'y a pas de sequences, dit-il en concluant, il n'y a tres
probablement pas de filage, mais il y a quelque chose, et ce quelque
chose je le chercherai, j'espere meme que je le trouverai, seulement
il faudrait avant que j'eusse les cartes avec lesquelles le p
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