ce du president, dit Barthelasse, je n'userais
pas ma veine dans ces niaiseries, je la garderais pour ma banque.
Ceux-la seuls qui n'ont jamais joue ne comprendront pas l'emotion
d'Adeline: quatre fois coup sur coup il avait interroge l'oracle, et
quatre fois l'oracle lui avait repondit par une affirmation contre
laquelle toute discussion etait impossible.
--Je pense que vous allez prendre la banque, dit M. de Cheylus
survenant.
--Je vais inscrire le president, dit Barthelasse.
Cependant Adeline n'etait pas decide a se mettre en banque, mais ces
excitations tombant sur lui de differents cotes firent pencher sa
resolution chancelante.
Mais il ne voulut pas ceder; la vision de sa femme le retint: il fit une
nouvelle tournee dans les salons et de nouveau il tacha de s'interesser
aux carambolages, a l'ecarte et aux echecs; puis malgre lui,
inconsciemment, il revint a la salle de baccara, ou, pendant son
absence, quelques gros coups avaient imprime a la partie une allure plus
animee.
C'etait un des habitues du cercle, un Americain appele Salzman, qui
venait prendre la banque, et on avait apporte trois jeux de cartes que
Camy etait en train de meler.
--Messieurs, faites votre jeu.
Mais les mises furent mediocres; sans qu'on eut rien de precis a
reprocher a Salzman, on le tenait vaguement en defiance, et puis c'etait
un vilain banquier; ceux qui le connaissaient s'abstinrent, et il n'y
eut guere que les etrangers qui ponterent.
Il gagna: aussi pour son second coup les mises furent-elles plus faibles
encore, et cependant il semblait vouloir rassurer les joueurs les plus
soupconneux: au lieu de tailler en prenant un paquet de cartes dans
la main gauche pour les distribuer de la main droite, il _taillait au
talon_, c'est-a-dire en prenant les cartes une a une devant lui, sous
les yeux de tous, ce qui rend absolument impossible le _filage_, le
_miroir_, et autres tours de prestidigitation: cette fois il perdit a
droite et gagna a gauche; alors il se leva:
--Messieurs, il y a une suite.
--Qu'est-ce qui voit la suite? demanda le croupier.
C'etait le moment decisif: Adeline se tenait a cote de la table ayant
Frederic a sa gauche et M. de Cheylus a sa droite.
--C'est a vous, mon president, dit Frederic.
--Allez donc, dit M. de Cheylus.
Adeline ne s'etonna pas de cette insistance de son collegue; il savait
par experience l'interet que celui-ci avait a le voir gagner, d'ailleurs
ce ne fut pas tant cett
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