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llons chez Adeline";
c'etait chez Adeline que les croupiers _etouffaient_ les jetons; chez
Adeline que le prince de Heinick volait au jeu; deux siecles de travail
et de probite aboutissaient a ce resultat.
Son parti etait pris; coute que coute, il fallait qu'il sortit de cet
enfer, qui ne devorait pas seulement sa fortune et son honneur, mais qui
le devorait lui-meme, du moins ce qu'il y avait de bon en lui, pour n'y
laisser que ce qui s'y trouvait de mauvais: s'il est des passions qui
elevent le coeur et l'esprit, ce n'est pas precisement celle du jeu;
depuis qu'il etait a son cercle, tous les genres de joueurs lui avaient
passe devant les yeux et dans des conditions ou la bete humaine se livre
le plus franchement; il ne voulait pas leur ressembler.
A la verite, c'etait renoncer aux esperances qu'il avait caressees pour
Berthe, mais pouvait-il payer de son honneur la dot qu'il avait cru lui
gagner? elle serait la premiere a ne pas le vouloir.
Lorsque Frederic le quitta pour aller congedier Julien et Theodore,
il n'hesita pas une minute, contrairement a ce qui arrivait toujours
lorsqu'il avait une resolution difficile a prendre, il quitta le _Grand
I_ et partit pour Elbeuf, car, avant de donner sa demission, il
fallait qu'il s'acquittat a la caisse,--ce qui n'etait possible qu'en
redemandant a sa femme les trente-cinq mille francs qu'il lui avait
envoyes quand il avait joue pour la premiere fois, et en arrangeant avec
elle une combinaison pour se procurer les vingt-cinq mille autres.
Quelle douleur pour la pauvre femme; pour lui quelle humiliation!
L'affaire du prince l'avait empeche d'aller a Elbeuf comme a
l'ordinaire; il envoya une depeche a sa femme pour lui annoncer son
arrivee, et, quand il entra dans la salle a manger, il trouva tout son
monde l'attendant devant la table mise: la Maman dans son fauteuil, sa
femme, Berthe et Leonie.
--Comme tu es gentil de nous rendre le samedi que tu ne nous avais pas
donne, dit Berthe en l'embrassant.
--Alors, la politique chauffe? dit la Maman.
Depuis que la Maman s'etait expliquee sur le mariage de Berthe avec
Michel, elle ne parlait plus que de politique quand il venait passer un
jour a Elbeuf; c'etait sa maniere de protester contre ce mariage; elle
ne boudait pas, mais elle evitait les sujets ou il aurait pu etre
question d'interets de famille. Comme de leur cote, Adeline et madame
Adeline ne tenaient pas moins a ce que ces sujets ne fussent pas
abordes, et
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