ares.
--Est-ce possible? murmura Bunou-Bunou.
--Vous allez le voir quand vous interrogerez ce garcon; mais, en
attendant, laissez-moi, je vous en prie, vous prouver qu'avec ces cartes
on joue a jeu decouvert, et vous montrer comment le prince opere. Tout a
l'heure, vous avez doute de moi, je m'en suis bien apercu; laissez-moi
me rehabiliter et vous convaincre que je ne suis pas le fou... que vous
avez cru.
Ils etaient trop confus de leur incredulite pour lui refuser ce qu'il
demandait: il prit place au milieu du bureau en faisant asseoir Adeline
a sa droite et Bunou-Bunou a sa gauche, comme s'ils etaient a une table
de baccara ou il serait banquier; puis, tenant sa loupe de sa main
gauche, de la droite il donna les cartes.
--Maintenant, dit-il, avant que vous releviez vos cartes je vais vous
dire vos points: a droite, il y a une figure et un 6, a gauche un as et
un 7; moi j'ai une figure et un 5; je dois donc tirer, et je le fais
d'autant plus surement que je sais que la carte que je vais retourner
est un 4.
Disant cela, il la retourna: c'etait bien un 4, comme les points qu'il
avait annonces etaient bien ce qu'il avait dit.
Adeline et Bunou-Bunou se regardaient consternes; la demonstration etait
plus que faite.
--Me permettrez-vous de vous demander, dit Dantin, ce que vous voulez
faire?
La meme reponse sortit instantanement de leurs deux bouches:
--Pas de scandale; il faut etouffer l'affaire.
Cette reponse etait trop conforme a la tradition pour que Dantin s'en
etonnat: pas de scandale, c'est la mot de tous les presidents de cercle
lorsqu'un scandale eclate chez eux; dans la rue ou il y a tout le monde,
on crie "au voleur"; dans un cercle ou il n'y a qu'un monde choisi,
on ne crie rien du tout; on expulse poliment le voleur sans prevenir
personne, de facon a lui laisser toutes les facilites d'aller voler chez
le voisin.
Si Adeline voulait eviter un scandale auquel son nom serait mele et qui
compromettrait le _Grand I_, il ne voulait pas cependant que le prince
allat continuer son industrie dans les autres cercles de Paris.
--Il est bien entendu, dit-il, que nous n'accorderons pas l'impunite au
prince de Heinick, et que nous ne nous contenterons pas de lui ecrire
une lettre banale pour lui interdire l'entree de notre cercle; il faut
qu'il quitte Paris et la France.
--Qu'il aille exercer son industrie dans son pays, dit Bunou-Bunou, je
n'y vois pas d'inconvenient, au contraire.
--Et le ga
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