opposerais
formellement, s'il fallait sacrifier mes platanes et mes peupliers.
Voyez comme ils se groupent delicieusement autour de l'etang du
milieu. Tous ces beaux arbres, ajouta-t-il en se penchant a l'oreille
d'Ottilie, je les ai plantes moi-meme.
--En ce cas, ils sont encore bien jeunes.
--Ils ont a peu pres votre age. Oui, chere Ottilie, je plantais deja
lorsque vous n'etiez encore qu'au berceau.
Un diner splendide avait ete prepare au chateau; les convives y firent
honneur. En sortant de table l'on fut visiter le village, ou, d'apres
les ordres du Capitaine, chaque famille s'etait reunie sur le seuil de
sa demeure: les vieillards etaient assis sur des bancs neufs, et les
jeunes gens se tenaient debout sous les arbres nouvellement plantes,
comme si le hasard seul les eut groupes ainsi. Il etait impossible de
ne pas admirer la metamorphose subite qui, d'un hameau sale, pauvre
et irregulier, avait fait un village ou tout respirait la proprete,
l'ordre et l'aisance.
Lorsque les invites se furent retires, et que nos quatre amis se
retrouverent seuls dans la grande salle que quelques instants plus tot
une societe bruyante avait encombree, ils respirerent plus librement;
car un petit cercle que des affections sinceres ont forme, souffre
toujours quand une societe nombreuse le force a s'etendre. Leur
satisfaction cependant ne fut pas de longue duree, le Baron recut une
lettre qui lui annoncait de nouveaux hotes.
--Le Comte arrive demain, s'ecria-t-il apres avoir lu cette lettre.
--En ce cas la Baronne n'est pas loin, repondit Charlotte.
--Elle arrivera deux heures apres le Comte, et ils partiront ensemble
apres avoir passe une journee et une nuit avec nous.
--Il faut nous preparer de suite a les recevoir; a peine en avons-nous
le temps. Qu'en penses-tu, Ottilie? dit Charlotte.
La jeune fille demanda a sa tante quelques instructions generales sur
ses intentions, et s'eloigna aussitot pour les faire executer.
Le Capitaine profita de son absence pour demander a Charlotte et a son
mari quels etaient ces deux personnages qu'il ne connaissait que de
nom. Les epoux lui apprirent que le Comte et la Baronne, quoique
maries chacun de leur cote, n'avaient pu se voir sans s'aimer
passionnement. Cet amour, qui avait trouble deux menages, avait cause
tant de scandale, que le divorce etait devenu necessaire. La Baronne
seule avait pu l'obtenir, et le Comte s'etait vu force de rompre avec
elle, en apparence du moin
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