pardonnerez-vous, Charlotte?
s'ecria-t-il avec desespoir.
Le baiser qu'elle avait recu, qu'elle avait rendu, rappela Charlotte
a elle-meme. Sans relever le Capitaine, elle posa une main dans les
siennes et appuya l'autre sur son epaule.
--Il n'est pas au pouvoir humain, dit-elle, d'effacer cet instant de
notre vie, il y fera epoque; que cette epoque du moins soit honorable!
Sous peu le Comte va vous assurer un sort digne de votre merite. Je
ne devais vous en parler que lorsque tout serait decide; la faute que
nous venons de commettre, me force a trahir ce secret. Oui, pour nous
pardonner a nous-memes, il faut que nous ayons le courage de changer
de position; car desormais il ne depend plus de nous de changer le
sentiment qui nous a rapproches.
Elle le releva, prit son bras, s'y appuya avec confiance, et tous deux
retournerent au chateau sans echanger une parole.
Lorsque Charlotte fut seule dans sa chambre a coucher, elle sentit
la necessite de revenir entierement aux sensations et aux pensees
convenables a l'epouse d'Edouard. Son caractere eprouve, l'habitude de
se juger elle-meme et de se dicter des lois, la seconderent si bien,
qu'elle crut a la possibilite de retablir bientot et completement,
non-seulement dans son coeur, mais encore dans celui de tous les
siens, l'equilibre trouble par un instant d'oubli. Le souvenir de la
visite nocturne de son mari qui lui avait ete d'abord si penible, lui
causa un fremissement mysterieux auquel succeda bientot un pieux et
doux espoir. Dominee par cet espoir, elle s'agenouilla, et repeta au
fond de son ame le serment qu'elle avait prononce au pied des autels,
le jour de son union avec Edouard. Les inclinations, les penchants
contraires a ce serment, n'etaient plus pour elle que des visions
fantastiques, que la force de sa volonte releguait dans un lointain
tenebreux; et elle se retrouva tout a coup telle qu'elle avait ete, et
que desormais elle voulait rester toujours. Une douce fatigue s'empara
de ses sens et elle ne tarda pas a s'endormir d'un sommeil bienfaisant
et tranquille.
[1] Enac etait un geant qui demeurait a Hebron. Lorsque Moyse envoya
reconnaitre la terre promise, ses messagers revinrent lui dire qu'ils
avaient vu en ce pays les enfants d'Enac, qui etaient si grands,
qu'aupres d'eux ils ressemblaient a des sauterelles. (_Note du
Traducteur_.)
CHAPITRE XIII.
Le Baron se trouvait dans une situation d'esprit bien differente.
Le sommeil etait si
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