croit
malheureux! Calmez votre impatience, domptez votre caprice, et vous
vous applaudirez d'avoir laisse exister ce qui doit etre toujours! Il
n'est point de motifs assez puissants pour justifier une separation!
Le cours de la vie humaine amene avec lui tant de joies et tant de
douleurs, qu'il est impossible de determiner la dette que deux epoux
contractent l'un envers l'autre; ce compte-la ne peut se regler que
dans l'eternite. Je conviens que le mariage gene quelquefois, et
cela doit etre ainsi. Ne sommes-nous pas aussi maries avec notre
conscience, qui souvent nous tourmente plus que ne pourrait le faire
le plus mauvais mari ou la plus mechante femme? et qui oserait dire
hautement qu'il a divorce avec sa conscience?
Mittler aurait sans doute encore continue pendant longtemps ce
discours passionne, si le roulement de deux voitures et le son du cor
des postillons ne lui avaient pas annonce la visite qu'il voulait
eviter. Le Comte et la Baronne entrerent en effet, et en meme temps,
dans la cour du chateau, mais chacun par une porte differente.
Charlotte et son mari se haterent d'aller les recevoir. Mittler
descendit par un escalier derobe, traversa le jardin et se rendit au
cabaret du village. Un domestique du chateau, a qui il en avait donne
l'ordre, lui amena son cheval, il le monta precipitamment, partit au
galop et de tres-mauvaise humeur.
CHAPITRE X.
Le Comte et la Baronne revirent avec plaisir le chateau ou ils avaient
passe plus d'une agreable journee, et leur presence rappela d'heureux
souvenirs aux epoux. Au reste, tous deux plaisaient generalement.
Grands, bien faits et d'un exterieur imposant, ils etaient du petit
nombre des personnes qui arrivent a l'age mur sans avoir rien perdu,
parce qu'elles n'ont jamais possede la fraicheur et les graces naives
de la premiere jeunesse.
Les avantages qui leur manquaient etaient amplement compenses par une
bonte digne, qui attire les coeurs et inspire une confiance illimitee.
L'aisance de leurs manieres, et leur gaite temperee par une haute
convenance, rendaient leur commerce aussi facile qu'agreable. Leur
costume et tout ce qui les entourait respirait un parfum de cour et
de grand monde, ce qui ne laissait pas de former un certain contraste
avec les allures des epoux, auxquels la vie de campagne avait deja
donne quelque chose de champetre. Ils ne tarderent pourtant pas a
se mettre a l'unisson avec leurs anciens amis, qui faciliterent ce
rapprochement
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