que tout a coup il voulut ainsi changer ces idees, sans avoir
une raison puissante pour le faire.
Cela n'etait point un fait de son caractere.
Il avait obei a une raison.
Laquelle?
C'etait cette raison qu'elle voulait chercher et trouver.
Une seule se presentait a son esprit, mais si elle etait fondee, elle
etait terrible pour elle.
Son grand-pere avait donc devine son secret?
A cette pensee, elle fut prise d'une douloureuse confusion et d'une
grande honte.
On savait qu'elle aimait Richard.
Ce "on" etait a la verite son grand-pere, mais neanmoins cela etait
terrible.
Elle s'etait donc trahie?
Comment?
Quand?
C'etait a peine si elle avait ose s'avouer a elle-meme ses sentiments
vrais, et encore n'y avait-il pas longtemps qu'elle l'avait fait en
toute sincerite, ayant trouve toujours jusque-la des explications plus
ou moins satisfaisantes a ce qu'elle avait appele tout d'abord sa
sympathie pour Richard, ensuite sa tendresse, apres son amitie, et
enfin, alors qu'il lui avait ete impossible de se mentir a elle-meme
plus longtemps--son amour.
Et cependant elle s'etait si bien cachee, elle avait si bien dissimule!
Surtout depuis qu'elle avait reconnu qu'elle aimait, elle avait observe
une si grande reserve avec Richard!
Ce fut un moment cruel pour elle que celui ou elle fut contrainte de
reconnaitre que son grand-pere avait observe et qu'il avait lu ce qui se
passait dans son coeur.
Jamais elle n'avait ete si embarrassee, si mal a l'aise, que le
lendemain du jour ou elle avait compris que son grand-pere savait tout;
et en descendant pour dejeuner elle avait un pouce de rouge sur le front
et sur les joues, quand son grand-pere, l'embrassant tendrement comme a
l'ordinaire, l'avait longuement regardee les yeux dans les yeux.
Il avait cependant l'habitude de l'examiner ainsi et de plonger dans son
ame chaque fois qu'elle venait a lui le matin; mais elle s'imaginait
dans son trouble que jamais il n'avait mis dans son regard la curiosite
et toutes les questions qu'elle y trouvait en ce moment.
Miss Armagh aussi lui causa une impression penible, et a table elle
s'imagina que les domestiques avaient une etrange facon de la regarder,
comme s'ils eussent ete maitres de son secret.
Mais peu a peu ce trouble s'apaisa, et apres n'avoir ete sensible qu'a
ce qu'il y avait de blessant pour sa pudeur dans cette situation, elle
en vint a voir les avantages qui s'y trouvaient.
Puisque son grand
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