ses paroles.
En examinant la situation que lui creait le projet de conversion du
comte, il n'avait pas eu l'idee qu'il aurait a soutenir un jour des
discussions avec Berengere.
Comment se defendre contre elle, que lui repondre?
L'angoisse lui etreignit le coeur.
Il ne pouvait pas avec elle, comme il l'avait essaye avec le comte,
tourner autour de cette question et se tenir dans des generalites plus
ou moins vagues.
De lui a elle, il ne devait y avoir aucune tromperie.
L'habilete meme eut ete un crime.
Tout devait etre entre eux loyal et franc.
Si elle devait etre sa femme un jour, il ne fallait pas, quand elle le
connaitrait bien, qu'elle eprouvat une deception et put croire qu'elle
avait ete abusee.
Si elle ne devait pas l'etre, il ne fallait pas que, par l'adresse
de ses paroles, il l'attirat a lui et lui inspirat des esperances
irrealisables.
Il ne s'agissait pas, a cette heure decisive, de s'abriter derriere les
convenances et la modestie, ni de se dire: "Elle ne m'aime pas et ne
m'aimera jamais"; le probable au contraire etait que si elle ne l'aimait
pas en ce moment, elle etait au moins poussee vers lui par un sentiment
de sympathie et de tendresse qui pouvait tres bien se changer en amour;
que fallait-il pour que cela se realisat? Tout simplement peut-etre
qu'elle put croire que son grand-pere reussirait dans l'oeuvre
de conversion qu'il avait entreprise, car enfin ce n'etait pas
inconsiderement qu'elle venait ainsi lui parler des esperances de son
grand-pere et meme des siennes: elle avait une raison, elle avait un
but.
La raison,--savoir ce qu'il pensait;
Le but--l'engager sans doute a ecouter la parole de M. de la Roche-Odon,
et a se laisser convaincre par elle.
Ce qu'il pensait, il devait le lui dire.
Mais lui promettre de se laisser convaincre par M. de la Roche-Odon, il
ne pouvait en prendre l'engagement.
Il n'y avait pas d'illusion a se faire: agir ainsi, c'etait la perdre;
et cependant il ne pouvait agir autrement sous peine de commettre une
infamie envers elle, et une lachete envers lui-meme.
Alors qu'il avait eu la pensee d'ecouter les enseignements du comte,
afin de prolonger son intimite avec Berengere, il s'etait dit qu'il ne
profiterait point des dernieres journees qu'ils passeraient ensemble
pour chercher a lui plaire, et qu'il ne ferait rien pour accentuer
dans un sens plus passionne les sentiments de tendresse qu'elle lui
temoignait; eh bien! l'heure etait ve
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