errible, elle etait restee au-dessous
de la realite; celle qui l'etouffa au coeur et la serra a la gorge au
moment ou elle voulut prononcer le premier mot de ce qu'elle avait a
dire, fut si violente, qu'elle resta la bouche ouverte sans pouvoir
articuler un son.
Par un effort tout-puissant de sa volonte, elle reagit contre cet effet
physique, mais chose extraordinaire, quand elle chercha dans sa memoire
ce qu'elle avait si bien prepare, elle ne trouva rien: elle etait
emportee dans un tourbillon et incapable de se ressaisir.
Elle leva les yeux sur Richard, mais le regard qu'elle rencontra la
troubla encore plus profondement.
De nouveau elle baissa les yeux et se tut; mais a travers ses paupieres
abaissees elle sentait les yeux de Richard, de meme que sur ses joues
elle sentait son souffle qui la brulait.
Depitee contre elle-meme, effrayee aussi, elle se leva vivement et
faisant quelques pas en avant, elle vint sur le bord du plateau a
l'endroit ou la vue s'etendait librement sur la foret.
Le vent qui lui souffla frais au visage calma un peu les mouvements
precipites de son coeur, et ne sentant plus le regard de Richard, ne
respirant plus son haleine, n'etant plus sous l'influence du courant qui
par leurs mains jointes passait de lui en elle, il lui fut possible de
reagir contre l'ivresse qui l'avait gagnee.
Apres quelques secondes, elle revint a la pierre et se rasseyant pres de
Richard:
--Mon billet a du bien vous surprendre, dit-elle.
--Dites qu'il m'a rendu bien heureux, apres notre entretien
d'avant-hier, apres notre diner, apres notre soiree, je...
--Oh! ne parlez pas de cela, je vous en prie, si vous ne voulez pas que
je vous demande pardon de mon attitude pendant ce diner et cette soiree.
Ce n'est pas pour cela que je vous ai prie de venir ici, et ce n'etait
pas de cela que je voulais vous entretenir. Je ne sais comment
ces paroles sont venues sur mes levres; c'a ete involontairement,
insciemment. Cette attitude vous sera expliquee plus tard; mais, si je
commencais par la je ne pourrais vous dire ce que je veux... ce que je
dois vous dire.
Elle parlait d'une voix haletante, par mots entrecoupes; mais enfin elle
pouvait parler, et maintenant elle etait certaine d'aller jusqu'au bout.
Apres une courte pause, elle reprit:
--Vous savez quelles sont les inquietudes de grand-papa a mon egard.
Vous savez aussi quelles precautions il prend pour conserver sa sante,
c'est-a-dire la vie, jusqu'au
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