garde pas. Vous savez bien que je n'ai pas l'honneur de vous
connoitre, et nous n'avons que faire ensemble,[146] pas la moindre chose.
LE COMTE.
Que vous me connoissiez ou non; il n'est pas si peu essentiel que vous le
dites que votre neveu plaise a Madame. Elle n'est pas une etrangere dans
la maison.
M. REMY.
Parfaitement etrangere pour cette affaire-ci, Monsieur; on ne peut pas
plus etrangere; au surplus, Dorante est un homme d'honneur, connu pour
tel, dont j'ai repondu, dont je repondrai toujours, et dont Madame parle
ici d'une maniere choquante.
Mme. ARGANTE.
Votre Dorante est un impertinent.
M. REMY.
Bagatelle! ce mot-la ne signifie rien dans votre bouche.
Mme. ARGANTE.
Dans ma bouche! A qui parle donc ce petit praticien, monsieur le Comte?
Est-ce que vous ne lui imposerez pas silence?
M. REMY.
Comment donc! m'imposer silence, a moi, procureur! Savez-vous bien qu'il y
a cinquante ans que je parle, madame Argante?
Mme. ARGANTE.
Il y a donc cinquante ans que vous ne savez ce que vous dites.
SCENE VI.
ARAMINTE, MME. ARGANTE, M. REMY, LE COMTE.
ARAMINTE.
Qu'y a-t-il donc? On diroit que vous vous querellez.
M. REMY.
Nous ne sommes pas fort en paix, et vous venez tres a propos, Madame: il
s'agit de Dorante: avez-vous sujet de vous plaindre de lui?
ARAMINTE.
Non, que je sache.[147]
M. REMY.
Vous etes-vous apercue qu'il ait manque de probite?
ARAMINTE.
Lui? non vraiment. Je ne le connois que pour un homme tres estimable.
M. REMY.
Au discours que Madame en tient, ce doit pourtant etre un fripon, dont il
faut que je vous delivre, et on se passerait bien du present que je vous
en ai fait, et c'est un impertinent qui deplait a Madame, qui deplait a
Monsieur qui parle en qualite d'epoux futur, et, a cause que[148] je le
defends, on veut me persuader que je radote.
ARAMINTE, _froidement_.
On se jette la dans de grands exces. Je n'y ai point de part, Monsieur. Je
suis bien eloignee de vous traiter si mal. A l'egard de Dorante, la
meilleure justification qu'il y ait pour lui, c'est que je le garde. Mais
je venois pour savoir une chose, monsieur le Comte. Il y a la-bas, m'a-t-
on dit, un homme d'affaires que vous avez amene pour moi: on se trompe
apparemment?
LE COMTE.
Madame, il est vrai qu'il est venu avec moi; mais c'est madame Argante...
Mme. ARGANTE.
Attendez, je vais repondre. Oui, ma fille, c'est moi qui ai prie Monsieur
de le faire venir p
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