manquer de nous divertir. Je veux me
trouver au debut et les agacer[53] tous deux.
SCENE V.
SILVIA, M. ORGON, MARIO.
SILVIA.
Me voila, Monsieur: ai-je mauvaise grace en femme de chambre? Et vous, mon
frere, vous savez de quoi il s'agit, apparemment... Comment me trouvez-
vous?
MARIO.
Ma foi, ma soeur, c'est autant de pris que le valet;[54] mais tu pourrois
bien aussi escamoter Dorante a ta maitresse.
SILVIA.
Franchement, je ne hairois pas de lui plaire sous le personnage que je
joue; je ne serois pas fachee de subjuguer sa raison, de l'etourdir[55] un
peu sur la distance qu'il y aura de lui a moi. Si mes charmes font ce
coup-la, ils me feront plaisir; je les estimerai. D'ailleurs, cela
m'aiderait a demeler Dorante. A l'egard de son valet, je ne crains pas ses
soupirs; ils n'oseront m'aborder; il y aura quelque chose dans ma
physionomie qui inspirera plus de respect que d'amour a ce faquin-la.
MARIO.
Allons, doucement, ma soeur: ce faquin-la sera votre egal...
M. ORGON.
Et ne manquera pas de t'aimer.
SILVIA.
Eh bien! l'honneur de lui plaire ne me sera pas inutile. Les valets sont
naturellement indiscrets; l'amour est babillard, et j'en ferai l'historien
de son maitre.
UN VALET.
Monsieur, il vient d'arriver un domestique qui demande a vous parler; il
est suivi d'un crocheteur[56] qui porte une valise.
M. ORGON.
Qu'il entre: c'est sans doute le valet de Dorante. Son maitre peut etre
reste au bureau pour affaires. Ou est Lisette?
SILVIA.
Lisette s'habille, et dans son miroir[57] nous trouve tres imprudents
de lui livrer Dorante; elle aura bientot fait.
M. ORGON.
Doucement! on vient.
SCENE VI.
DORANTE _en valet_, M. ORGON, SILVIA, MARIO.
DORANTE.
Je cherche M. Orgon: n'est-ce pas a lui que j'ai l'honneur de faire la
reverence?
M. ORGON.
Oui, mon ami, c'est a lui-meme.
DORANTE.
Monsieur, vous avez sans doute recu de nos nouvelles; j'appartiens a
monsieur Dorante, qui me suit, et qui m'envoie toujours[58] devant, vous
assurer de ses respects, en attendant qu'il vous en assure lui-meme.
M. ORGON.
Tu fais ta commission de fort bonne grace. Lisette, que dis-tu de ce
garcon-la?
SILVIA.
Moi, Monsieur, je dis qu'il est bien venu,[59] et qu'il promet.
DORANTE.
Vous avez bien de la bonte; je fais du mieux qu'il m'est possible.
MARIO.
Il n'est pas mal tourne, au moins: ton coeur n'a qu'a se bien tenir,[60]
Lisette.
SILVIA.
Mon coeu
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