100] que j'apprends que vous
etes ici.
ARLEQUIN.
Monsieur, mille pardons, c'est beaucoup trop, et il n'en faut qu'un quand
on n'a fait qu'une faute: au surplus, tous mes pardons sont a votre
service.
M. ORGON.
Je tacherai de n'en avoir pas besoin.
ARLEQUIN.
Vous etes le maitre, et moi votre serviteur.
M. ORGON.
Je suis, je vous assure, charme de vous voir, et je vous attendois avec
impatience.
ARLEQUIN.
Je serois d'abord venu ici avec Bourguignon; mais, quand on arrive de
voyage, vous savez qu'on est si mal bati![101] et j'etois bien aise de me
presenter dans un etat plus ragoutant.[102]
M. ORGON.
Vous y avez fort bien reussi. Ma fille s'habille; elle a ete un peu
indisposee. En attendant qu'elle descende, voulez-vous vous rafraichir?
ARLEQUIN.
Oh! je n'ai jamais refuse de trinquer[103] avec personne.
M. ORGON.
Bourguignon, ayez soin de vous, mon garcon.
ARLEQUIN.
Le gaillard est gourmet: il boira du meilleur.
M. ORGON.
Qu'il ne l'epargne pas.
ACTE II.
SCENE PREMIERE.
LISETTE, M. ORGON.
M. ORGON.
Eh bien! que me veux-tu, Lisette?
LISETTE.
J'ai a vous entretenir un moment.
M. ORGON.
De quoi s'agit-il?
LISETTE.
De vous dire l'etat ou sont les choses, parce qu'il est important
que vous en soyez eclairci, afin que vous n'ayez point a vous plaindre de
moi.
M. ORGON.
Ceci est donc bien serieux?
LISETTE.
Oui, tres serieux. Vous avez consenti au deguisement de mademoiselle
Silvia; moi-meme je l'ai trouve d'abord sans consequence, mais je me suis
trompee.
M. ORGON.
Et de quelle consequence est-il donc?
LISETTE.
Monsieur, on a de la peine a se louer soi-meme; mais, malgre toutes les
regles de la modestie, il faut pourtant que je vous dise que, si vous ne
mettez ordre[104] a ce qui arrive, votre pretendu gendre[105] n'aura plus
de coeur a donner a mademoiselle votre fille. Il est temps qu'elle se
declare, cela presse: car, un jour plus tard, je n'en reponds plus.
M. ORGON.
Eh! d'ou vient qu'il ne voudra plus de ma fille? Quand il la connoitra, te
defies-tu de ses charmes?
LISETTE.
Non; mais vous ne vous mefiez pas assez des miens. Je vous avertis qu'ils
vont leur train,[106] et que je ne vous conseille pas de les laisser
faire.
M. ORGON.
Je vous en fais mes compliments Lisette. (_Il rit_.) Ah! ah! ah!
LISETTE.
Nous y voila:[107] vous plaisantez, Monsieur, vous vous moquez de moi.
J'en suis fachee, car vous
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