s fais d'abord mes excuses de tout ce
que mes discours ont pu avoir d'irregulier[180] dans nos entretiens.
DORANTE, _vivement_.
Tais-toi, Lisette; tes excuses me chagrinent: elles me rappellent la
distance qui nous separe, et ne me la rendent que plus douloureuse.
SILVIA.
Votre penchant pour moi est-il si serieux? m'aimez-vous jusque-la?[181]
DORANTE.
Au point de renoncer a tout engagement, puisqu'il ne m'est pas permis
d'unir mon sort au tien; et, dans cet etat, la seule douceur que je
pouvois gouter, c'etoit de croire que tu ne me haissois pas.
SILVIA.
Un coeur qui m'a choisie dans la condition ou je suis est assurement bien
digne qu'on l'accepte, et je le paierois volontiers du mien si je ne
craignois pas de le jeter dans un engagement qui lui feroit tort.[182]
DORANTE.
N'as-tu pas assez de charmes, Lisette? y ajoutes-tu encore la noblesse
avec laquelle tu me parles.
SILVIA.
J'entends quelqu'un. Patientez encore sur l'article de[183] votre valet;
les choses n'iront pas si vite; nous nous reverrons, et nous chercherons
les moyens de vous tirer d'affaire.
DORANTE.
Je suivrai tes conseils. (_Il sort_.)
SILVIA.
Allons, j'avois grand besoin que ce fut la Dorante.
SCENE XIII.
SILVIA, MARIO.
MARIO.
Je viens te retrouver, ma soeur. Nous t'avons laissee dans des inquietudes
qui me touchent: je veux t'en tirer; ecoute-moi.
SILVIA, _vivement_.
Ah! vraiment, mon frere, il y a bien d'autres nouvelles!
MARIO.
Qu'est-ce que c'est?
SILVIA.
Ce n'est point Bourguignon, mon frere; c'est Dorante.
MARIO.
Duquel parlez-vous donc?
SILVIA.
De lui,[184] vous dis-je; je viens de l'apprendre tout a l'heure. Il sort;
il me l'a dit lui-meme.
MARIO.
Qui donc?
SILVIA.
Vous ne m'entendez donc pas?
MARIO.
Si j'y comprends rien, je veux mourir.
SILVIA.
Venez, sortons d'ici; allons trouver mon pere: il faut qu'il le sache,
j'aurai besoin de vous aussi, mon frere. Il me vient de nouvelles idees.
Il faudra feindre de m'aimer; vous en avez deja dit quelque chose en
badinant; mais surtout gardez bien le secret, je vous prie.
MARIO.
Oh! je le garderai bien, car je ne sais ce que c'est.
SILVIA.
Allons, mon frere, venez; ne perdons point de temps. Il n'est jamais rien
arrive d'egal a cela!
MARIO.
Je prie le Ciel qu'elle n'extravague pas.
ACTE III.
SCENE PREMIERE.
DORANTE, ARLEQUIN.
ARLEQUIN.
Helas! Monsieur, mon tres honore maitr
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