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Cora en levant sur elle mon oeil languissant:
--Ah! Madame, pourquoi ne m'avoir pas laisse mourir? j'etais si heureux
tout a l'heure!
Elle me regarda d'un air etonne et me dit d'un ton
affectueux:--Remettez-vous, Monsieur, vous avez de la fievre, je le vois
bien.
Quand je fus tout a fait remis de mon trouble, l'epiciere retourna a la
boutique, et je restai seul avec Cora.
Comme le coeur me battit alors! Mais elle etait calme, et sa serenite
m'imposait tant de respect que je pris sur moi de paraitre calme aussi.
Cependant ce tete-a-tete devint pour moi d'un cruel embarras. Cora
n'aimait point a parler. Elle repondait brievement a toutes les choses
que je tirais de mon cerveau avec d'incroyables efforts, et, quoi que je
fisse, jamais ses reponses n'etaient de nature a nouer l'entretien; sur
quelque matiere que ce fut, elle etait de mon avis. Je ne pouvais pas
m'en plaindre, car je lui disais de ces choses sensees qu'il n'est pas
possible de combattre a moins d'etre fou. Par exemple, je lui demandai
si elle aimait la lecture.--Beaucoup, me repondit-elle.--C'est qu'en
effet, repris-je, c'est une si douce occupation!--En effet, reprit-elle,
c'est une tres-douce occupation.--Pourvu, ajoutai-je, que le livre qu'on
lit soit beau et interessant.--Oh! certainement, ajouta-t-elle.--Car,
poursuivis-je, il en est de bien insipides.--Mais aussi,
poursuivit-elle, il en est de bien jolis.--Cet entretien eut pu nous
mener loin si je me fusse senti la hardiesse de l'interroger sur le
genre de ses lectures. Mais je craignis que cela ne fut indiscret, et je
me bornai a jeter un regard furtif sur le livre entr'ouvert au pied de
la giroflee. C'etait un roman d'Auguste Lafontaine. J'eus la sottise
d'en etre affecte d'abord. Et puis, en y reflechissant, je trouvai dans
le choix de cette lecture une raison d'admirer la simplicite et la
richesse d'un coeur qui pouvait puiser la des emotions attachantes. Je
parcourus de l'oeil une pile de volumes delabres qui gisaient sur un
rayon pres de moi. Je ne nommerai point les auteurs cheris de ma Cora;
les lecteurs blases en riraient, et moi, dans ma vaine enflure de poete,
je faillis en etre froisse.... Mais je revins bientot a la raison en
comparant les ressources d'un esprit si neuf et d'une ame si virginale a
la vieillesse prematuree de nos imaginations epuisees. Il y avait dans
la vie intellectuelle des tresors auxquels Cora n'avait pas encore
touche, et l'homme qui serait assez heur
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