c calme, les priai d'excuser le scandale que je leur avais
cause, et de croire a mon eternelle reconnaissance pour les soins et
l'affection que j'avais trouves chez eux.
--Pour vous, Madame, dis-je d'une voix emue a Cora, pardonnez surtout
aux extravagances dont je vous ai rendue temoin; si je croyais que vous
m'eussiez soupconne un seul instant de manquer au respect que je vous
dois, j'en mourrais de douleur. J'espere que vous oublierez l'absurdite
de ma conduite pour ne vous souvenir tous que des humbles excuses et
des affectueux remerciements que je vous adresse en vous quittant pour
jamais.
A ce mot je vis toutes les figures s'eclaircir, a l'exception de celle
de Cora, qui, je dois le dire, n'exprima qu'une douce compassion. Je
voulus essayer de lui demander l'etat de sa sante, dont j'avais cause
l'alteration par mes folies. Mais en songeant a la cause premiere de son
etat maladif, a l'amour qu'elle avait depuis si longtemps pour son mari
et a l'heureux gage de cet amour qu'elle portait dans son sein, ma
langue s'embarrassa et mes pleurs coulerent malgre moi. Alors la famille
m'entoura, pleurant aussi et m'accablant de marques de regret et
d'attachement; Cora me tendit meme sa belle main, que je n'avais jamais
eu le bonheur de toucher, et que je n'osai pas seulement porter a mes
levres. Enfin je m'eloignai comble de benedictions pour mon sejour parmi
eux et particulierement pour mon depart; car, au milieu de toutes les
choses amicales qui me furent dites, il n'y eut pas une voix, pas un mot
pour m'engager a rester.
Accable de douleur, brise jusqu'a l'ame, je sentais mes genoux flechir
sous moi en quittant cette maison ou j'avais fait des reves si doux et
nourri des illusions si brillantes. Je m'appuyai contre le seuil tapisse
de vigne, et je jetai un dernier regard de tendresse et d'adieu sur la
belle giroflee de la fenetre.
Alors j'entendis une voix qui partait de l'interieur et qui prononcait
mon nom. C'etait la voix de Cora; j'ecoutai:--Pauvre jeune homme!
disait-elle d'un ton penetre, il est donc enfin parti!
--Je n'en suis pas fache, repondit l'epicier, quoique apres tout ce soit
un brave garcon et qu'il paie bien ses memoires.
J'ai traverse cette ville l'annee derniere pour aller en Limousin. J'ai
apercu Cora a sa fenetre; il y avait trois beaux enfants autour d'elle,
et un superbe pot de giroflee rouge. Cora avait le nez allonge, les
levres amincies, les yeux un peu rouges, les joues creuses et qu
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