eurs sur la beaute des giroflees qui
fleurissaient a sa fenetre, sur la grace mignonne et coquette de son
chat qui dormait au soleil devant la porte, et sur la bonne exposition
de sa boutique qui recevait en plein les rayons du soleil de midi.
--Oui, oui, repondit l'epicier, au commencement du printemps les rayons
du soleil ne sont point a dedaigner; plus tard ils deviennent un peu
trop bons....
A cet entretien cordial et ingenu, Cora melait de temps en temps des
reflexions courtes et simples, mais pleines de bon sens et de justesse;
j'en conclus qu'elle avait un jugement droit et un esprit positif.
Puis, comme j'insistais sur l'avantage d'avoir la facade de son logis
exposee au midi, Cora, inspiree par le ciel et par la beaute de son ame,
dit a son pere:
--Au fait, la chambre de M. Georges exposee au nord doit encore etre
assez fraiche dans ce temps-ci. Peut-etre, si vous lui proposiez de
venir s'asseoir une heure ou deux chez nous, serait-il bien aise de voir
le soleil en face?
Puis elle se pencha vers son oreille, et lui dit tout bas quelques mots
qui semblerent frapper vivement l'epicier.
--C'est bien, ma fille, s'ecria-t-il d'un ton jovial Vous plairait-il,
monsieur Georges, d'accepter une chaise a cote de ma Cora?
--O mon Dieu! pensai-je, si c'est un reve, faites que je ne m'eveille
point.
Une minute apres, le genereux epicier etait dans ma chambre et m'offrait
son bras pour descendre. J'etais emu jusqu'aux larmes et je lui pressai
les mains avec une effusion qui le surprit, tant son action lui
paraissait naturelle.
Au seuil de ma maison, je trouvai Cora qui venait pour aider son pere
a me soutenir en traversant la rue. Jusque-la je me sentais la force
d'aller vers elle; mais des qu'elle toucha mon bras, des que sa main
longue et blanche effleura mon coude, je me sentis defaillir, et je
perdis le sentiment de mon bonheur pour l'avoir senti trop vivement.
Je revins a moi sur un grand fauteuil de cuir a clous dores, qui, depuis
cinquante ans, servait de trone au patriarcal epicier. Sa digne compagne
me frottait les tempes avec du vulneraire, et Cora, la belle Cora,
tenait sous mes narines son mouchoir imbibe d'alcool. Je faillis
m'evanouir de nouveau; je voulus remercier, mais je n'avais pas
d'expressions pour peindre ma gratitude; pourtant, dans un moment ou
l'epicier, me voyant mieux, se retirait, et ou sa femme passait dans
l'arriere-boutique pour me chercher un verre d'eau de reglisse, je d
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