ant une quinzaine
d'annees dans ces mers septentrionales.
Le dernier y recueillit, de la bouche d'un vieux pecheur, la notice
d'une terre lointaine dans l'ouest, nommee Estotiland, ou vingt-six ans
auparavant (vers 1380 a ce qu'il semble), il avait ete jete par une
furieuse tempete; les habitants conservaient des rapports habituels avec
le Groenland, & possedaient encore quelques livres latins, qu'ils ne
comprenaient plus. Associe par eux, au bout de cinq annees, a une
expedition dans le sud, vers le pays de Drogio, une tempete le jeta plus
loin, chez un peuple de sauvages cannibales qui le garderent esclave
pendant de longues annees, jusqu'a ce qu'apres bien des vicissitudes il
parvint a s'echapper de leurs mains & a regagner Drogio, d'ou il revint
apres trois ans d'attente a Estotiland: il se livra alors au commerce
entre ces deux contrees, s'y enrichit, & put terminer enfin sa longue
odyssee en armant lui-meme un navire pour retourner en Frislande.
C'est encore a ces relations de plus en plus rares, mais qui n'avaient
jamais ete completement abandonnees entre les Etats scandinaves &
leurs colonies du nord-ouest, que se rattache le souvenir de ce
pilote norvegien, originaire de Pologne, Hans Koeln ou Ivan z'Kolna,
c'est-a-dire Jean de Kolno en Mazovie, envoye en 1476 pour ravitailler
les stations du Groenland, & qui visita, dit-on, la cote opposee en
penetrant jusqu'a la grande baie qui devait recevoir longtemps apres le
nom de Hudson.
V
Il est naturel de penser qu'une notion plus ou moins precise, mais
certaine & incontestee, de l'existence des regions transatlantiques tant
de fois abordees par les marins du Nord, s'etait conservee parmi eux, &
les ecrits d'Adam de Breme prouvent qu'elle avait meme penetre, des
le onzieme siecle, jusqu'au sein de la Germanie. On devait la trouver
d'autant plus vivante & plus assuree, qu'on s'elevait davantage vers les
escales d'ou etaient parties les plus frequentes expeditions: il ne
faut donc point se recrier contre la supposition que dans son voyage
d'Islande en 1477, Christophe Colomb aurait recueilli en cette ile des
indices propres a exciter ou confirmer dans son esprit la conviction que
l'Ocean occidental pouvait etre franchi par de hardis navigateurs, surs
de trouver au-dela des rivages accessibles. Les theories du florentin
Toscanelli avaient deja, en 1477, soutenu cette these aupres des savants
de Portugal, & lorsque Colomb parvint a les connaitre quelques annees
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