s velements, tout ce qu'ils possedaient
appartenait desormais au roi, et qu'ils se tinssent prets a etre
embarques pour etre deportes et dissemines dans les colonies anglaises.
L'ordre etait formel, on ne leur accordait que quatre jours de repit.
Il est impossible de peindre Ici stupeur et le desespoir que produisit
cette nouvelle; plusieurs refuserent de croire qu'on executat jamais
un acte d'aussi lache et execrable tyrannie, mais le plus grand nombre
s'enfermerent dans leurs maisons et passerent dans les larmes et les
sanglots, les quelques heures qui precederent leur separation. D'autres
essayerent de fuir, mais vainement. Des troupes avaient ete disposees
dans les bois, ils se trouverent cernes de toute part et furent donc
ramenes au camp, apres avoir essuye toutes sortes d'avanies et de
mauvais traitements.
Ce fut a grand'peine que le venerable cure obtint du commandant la
permission de les reunir le neuf septembre, veille du depart, dans la
vieille eglise pour y celebrer le saint sacrifice et leur adresser
quelques paroles de consolation et d'adieu. Personne ne fut jamais
temoin, peut-etre, d'une scene plus dechirante. Tous les visages etaient
inondes de larmes. L'eglise retentissait des sanglots et des sourds
gemissements des malheureuses victimes. Lorsqu'avant la communion,
le bon pretre voulut leur dire quelques mots, il y eut une veritable
explosion de plaintes et de cris de desespoir. Il fut lui-meme longtemps
avant que de pouvoir dominer son emotion, et ce fut apres de longs et
penibles efforts qu'il put, d'une voix brisee par la douleur, leur faire
entendre ces paroles:
"C'est peut-etre pour la derniere fois, mes bons freres, que vous allez
partager le pain des anges dans ce lieu saint. C'est lui qui donne le
courage et la force de braver les tourments et les persecutions des
mechants. C'est lui qui sera votre soutien, votre consolation dans les
temps malheureux que nous traversons. Dieu seul connait ce que l'avenir
nous reserve a tous, mais rappelons-nous que nous avons au ciel un bras
tout-puissant, qui saura dejouer les complots des mechants: que ceux qui
pleurent seront consoles et qu'ils recevront avec usure la recompense
des larmes qu'ils auront versees. Car qu'est-ce que la terre que nous
habitons, sinon un lieu d'exil et de miseres, mais le ciel, voila notre
patrie, vers laquelle doivent tendre nos desirs et nos aspirations.
Separes sur la terre, c'est la ou nous serons ensemble reunis, c'est la
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