droit qu'ils appelaient Kamouraska, elle avait
apercu un matin, le lendemain d'une terrible tempete, le printemps
precedent, la pauvre enfant attachee sur deux morceaux de bois. Qu'elle
s'etait alors jetee a la nage et l'avait ramene au rivage. Que rendue
dans la cabane, elle s'etait apercue que la pauvre petite respirait
encore. Elle l'avait alors enveloppee dans de bien chaudes couvertes, a
force de soins et avec le concours de la famille ils etaient parvenus
a la ranimer; en ouvrant les yeux elle avait demande sa mere et parut
effrayee de voir ces figures etranges, mais qu'elle n'avait pas tarde de
s'y habituer."
"Helas! sa pauvre mere, ajouta la jeune fille, elle etait perie dans le
naufrage du vaisseau, car la plage etait couverte de cadavres d'hommes,
de femmes et d'enfants. Qu'alors elle avait adoptee comme la sienne
propre, cette pauvre enfant Cette jeune fille dont je te parle, il y a
huit ans qu'elle est ma femme, et voila pourquoi, camarade, dit Jean
Renousse en se levant, voila pourquoi nous l'aimons comme si elle etait
notre fille. Mais, ajouta-t-il, il en est temps, allons souper."
Alors toutes les familles se reunirent, en formant un rond; chacune
d'elles apporta la marmite; tout le monde pouvait puiser avec la
micoine, sans s'occuper si c'etait dans la science, et lorsque celle-ci
manquait, ou se servait de la fourchette naturelle. Si quelqu'un avait
ose demander si tous s'etaient lave les mains, on lui aurait repondu par
des huees et des eclats de rire.
Quoiqu'il en soit, Jean Renousse tint parole, car le lendemain il etait
beau de voir la petite flottille, composee de legers canots d'ecorces,
descendant les uns a la file des autres le St.-Maurice. C'etait un
magnifique matin, le temps etait calme et pur, l'air etait embaume
de fleurs des bois qui commencaient a s'epanouir. On voguait
silencieusement, lorsque tout-a-coup la voix d'un sauvage domina le
chant des oiseaux de l'une et l'autre rive; mais son chant n'etait pas
ces anciens cris de guerre que nos peres entendaient, lorsque des tribus
sanguinaires venaient les attaquer, pour s'exciter entre elles au
meurtre et au carnage. Mais la voix sonore du chantre respirait un
sentiment de douceur ineffable. Il y avait aussi quelque chose dans
ses paroles qui ressentait la bienfaisante et divine influence que le
Christianisme exerce sur ces peuples autrefois si feroces. En quoi
consistait-il ce chant? c'etait une priere qu'on adressait a Marie,
c'etai
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