pelait Madame St.-Aubin, la meilleure part,
et s'il n'y en avait que pour elle, le souper des pauvres gens etait
alors remis au lendemain.
Les choses en etaient a cet etat, lorsqu'un lundi soir deux voitures,
pesamment chargees, s'arreterent devant la cabane.
En regardant par la fenetre on reconnut deux des plus respectables
habitants de l''endroit. Ils frapperent a la porte et entrerent.
Il etait facile de voir que la mission diplomatique dont ils etaient
charges n'etait pas aisee a remplir. Il ne s'agissait de rien moins que
de faire accepter au pauvre pecheur les presents qu'ils lui apportaient,
sans blesser sa susceptibilite et son amour propre. Enfin apres s'etre
gratte la tete plusieurs fois, apres bien des tours et des detours l'un
d'eux trouva moyen de briser la glace; le sermon que le cure avait fait
la veille fournit l'occasion d'entrer dans le sujet. Le bon pretre leur
avait longuement parle de charite et les avaient engages, repeterent-ils
au pecheur, de la pratiquer comme celui-ci l'avait fait, a l'occasion de
la pauvre femme etrangere, il les avait assure que s'ils mettaient de
cote, la part du bon dieu, ils verraient les benedictions du ciel se
repandre dans leurs maisons et sur leurs champs. Qu'alors ils avaient
fait ensemble une tournee et que C'etait avec empressement que chacun
avait fourni. Tout le monde avait voulu s'associer a la bonne oeuvre.
Qu'ils apportaient: une ample provision de comestibles de toute sorte et
des vetements. Que de plus une pauvre veuve viendrait prendre soin de
la malheureuse folle pour ne pas deranger la femme du pecheur de son
travail, car le filage et l'ouvrage ne lui manquerait pas; et qu'enfin
on ferait table commune.
Sans vouloir entendre un seul mot de remerciment, les deux habitants
sortirent precipitamment et se mirent a decharger les voitures. Certes
ils n'avaient pas trompe le pecheur; il y avait la, dans ces deux
voilures, des provisions de toutes sortes pour plus dune annee.
Belle et sainte coutume que celle des tournees, ou nous voyons des
hommes honnetes et laborieux, laisser leurs occupations pour parcourir
les maisons et rapporter, un soir, le fruit de leurs quetes et entendre
les benedictions d'une famille mourante de faim, a laquelle on a apporte
l'abondance et le bonheur.
Madame St.-Aubin passa deux annees dans cette demeure ou elle avait
attire avec, les benedictions du ciel une honnete aisance, car la
charite des habitants de l'endroit ne s'e
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