tion et de joie, elle allait ouvrir et tendre les
bras; mais vain espoir, ce n'etait point les pas du cheval, ce n'etait
point non plus les joyeux aboiements de Phedor, mais bien le vent qui,
mugissant tristement dans les arbres, lui apportait, chaque fois une
poignante deception.
La foudre tombee a ses pieds n'eut pas produit plus d'effets. Madame
St.-Aubin s'affaissa sur elle-meme. On la transporta mourante dans son
lit. Deux jours entiers se passerent pendant lesquels elle luta contre
la mort. Dans son delire, elle appelait avec transport son mari,
demandant avec egarement a chaque instants aux personnes qui se
presentaient, son epoux bien-aime; et lorsqu'on lui apportait son
enfant, elle la repoussait durement. La pauvre petite qui ne comprenait
rien a la conduite etrange de sa mere, allait alors se cacher dans un
coin de la chambre, elle pleurait amerement; et comme si elle se fut
crue coupable, elle revenait aupres du lit, baisant les mains de sa
mere, elle lui disait: "Ma bonne maman, embrasse-donc encore la petite
Hermine, elle ne te fera plus de mal, leves-toi et allons au-devant de
papa." Enfin, son temperament et surtout l'idee de laisser sa pauvre
enfant completement orpheline, rendirent quelques forces a Madame
St.-Aubin, mais une insurmontable tristesse s'empara d'elle, et bientot
cette demeure naguere si heureuse ne devint plus qu'un sejour de deuil
et de larmes.
La, toutefois ne devaient pas s'arreter ses malheurs.
La rage des pirates n'etait pas encore satisfaite, il fallait de
nouvelles depouilles a leur rapacite et de nouvelles victimes a leur
vengeance.
Peu de temps apres les evenements que nous venons de rapporter, on
signala au large un vaisseau de guerre portant pavillon anglais.
Instruite par l'experience, la petite colonie, apres avoir recueilli
tout ce qu'elle avait de plus precieux, crut prudent de se sauver dans
les bois. Madame St.-Aubin elle-meme, reunit tout ce qu'elle put
avec l'aide de ses domestiques et de Jean Renousse, et dut aller les
rejoindre en toute hate, car le vaisseau s'approchait de la cote avec
une effrayante rapidite.
Il n'y avait pas longtemps qu'elle avait abandonne ses foyers si chers
pour s'enfoncer dans les bois avec ses fideles domestiques, lorsque
gravissant une petite eminence ou ses compagnons d'infortune
l'attendaient, elle vit les tourbillons de flamme et de fumee s'elever
dans la direction de sa demeure et de celles des malheureux qui
l'entouraient.
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