e d'un parapet qui la cachait, l'un d'eux s'ecria:
--C'est tres bizarre, vous voyez bien cette riviere, tout le monde
s'accorde a la trouver poissonneuse et personne n'a jamais pu prendre la
moindre friture.
--Des blagueurs! fit Samortil, pique au vif. Je vous fais le pari, moi,
de vous rapporter pour demain matin une matelote copieuse.
Pari tenu.
Dans la journee, notre homme va hors ville, chercher dans les terrains
vagues de la bonne _terre a peloter_; le soir, a table, il met dans sa
poche tous les morceaux de gruyere qu'il apercoit, excellent appat pour
le chevesne et le barbillon.
Rentre a l'hotel a minuit, il se fait reveiller a deux heures (quelle
conscience!), se dirige vers le pont en question et tend ses lignes au
milieu de l'obscurite la plus profonde, mais quel n'est pas son
abrutissement lorsqu'a quatre heures, a la clarte de l'aube naissante,
il s'apercoit qu'il pechait depuis deux heures dans une _riviere seche_!
* * * * *
Du reste, il est inoui: n'a-t-il pas profite un jour du moment ou son
train stoppait sur un viaduc pour tendre sa ligne par la portiere du
wagon!
A part ca, il serait parfait, quoique possesseur d'un tic assommant,
celui de faire porter a tout le monde sa bonne _terre a peloter_ dans un
sac _ad hoc_ (il est tellement encombre par ses engins, qu'il faut bien
l'aider).
L'acteur atteint de pechomanie conserve meme au theatre ses douces
habitudes; oui, c'est plus fort que lui, le soir, si, en jouant, un de
ses camarades se trompe, il le repeche.
LE PAPERASSIER
Le paperassier, c'est Groval.
Il adore Paris; aussi veut-il absolument etre au courant de tout ce qui
se passe dans la capitale pendant son absence, et devore-t-il les
feuilles publiques afin de ne pas cesser "d'etre dans le train" comme
s'il n'y etait pas assez!
Des qu'on arrive dans une ville, Groval demande immediatement a
l'employe qui lui prend son ticket:
--A quelle heure arrivent les journaux de Paris?
Pendant que ses camarades _font un tour_, jouent aux cartes ou au
billard, lui, court de par la ville, cherchant les bureaux de redaction
des journaux locaux, et depose sa carte de visite dans le casier des
critiques dramatiques.
--C'est une politesse a laquelle ils sont sensibles, dit-il a ceux qui
le raillent.
Quelquefois, sur sa carte il fait preceder son nom de ces deux mots:
_Remerciments anticipes_; c'est quand le journal doit paraitre le
surlendema
|