ulante, la figure affreusement contractee, j'entendis a l'abri d'un
pilier de la petite eglise de notre paroisse le serment qu'Octave et
Marguerite se firent de s'appartenir l'un a l'autre. J'aurais voulu voir
le temple s'ecrouler sur eux et les mettre en poussiere. C'en etait fait
de moi, j'avais au fond du coeur tous les esprits du mal et tout ce
que le coeur humain peut avoir de haine contre son semblable, je
le ressentis pour eux. De tous les pores de ma peau sortait le cri
vengeance, vengeance! Si elle m'eut apercu lorsque sa robe vint me
froler au sortir de l'eglise, elle eut recule, epouvantee comme a
l'aspect d'un serpent.
Fou, insense, j'avais espere jusqu'au moment solennel. Oui j'esperais
qu'elle comprendrait toute l'immensite de mon amour et combien j'aurais
travaille a la rendre heureuse. Le dimanche meme, malgre la publication
des bancs, cet espoir m'enivrait encore.
Vous etes peut-etre surpris qu'apres tant d'annees et en ce de moment
solennel ou il ne me reste que peu de temps a vivre, je vous parle avec
autant de chaleur du passe; mais sur son lit de mort, le vieillard
sent quelquefois son sang se rechauffer aux brulants souvenirs de sa
jeunesse: c'est la derniere lueur du flambeau qui va s'eteindre.
Je laissai le cortege nuptial s'eloigner et m'elancai hors du temple. Je
courus a la maison, fis un paquet de quelques hardes, me munis d'un bon
sac de provisions et d'amples munitions, sifflai mon chien et repondant
a peine aux douces paroles de ma mere qui pleurait en m'embrassant, je
pris le chemin du bois.
Mes bons parents je ne les ai jamais revus depuis; mais j'ai appris par
d'autres que mes deux soeurs avaient embrasse la vie religieuse dans un
couvent des Soeurs de Charite; que mon pere et ma mere joignaient leurs
prieres aux leurs pour celui qu'ils croyaient mort depuis longtemps.
Helas! leur fils denature n'a pas ete essuyer les pleurs de leurs vieux
ans et leur fermer les yeux.
DANS LES BOIS.
Les forces du moribond etaient completement epuisees. Ces souvenirs
charges de repentir avaient trop longtemps pese sur son ame.
Il indiqua a monsieur Fameux un endroit dans la chambre ou il trouverait
un manuscrit qui contenait toute l'histoire de sa vie. Il nous demanda
comme une faveur de vouloir en prendre connaissance, de le publier meme,
si on le voulait, afin qu'il servit d'enseignement.
Sur un des rayons poudreux de ses tablettes, Monsieur d'Olbigny alla
prendre un manuscrit
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