is bien autre
chose a faire que de prendre de la nourriture.
Ce fut donc avec une extreme satisfaction que je remarquai chez lui une
empreinte de tristesse inexprimable. Son teint etait have et ses membres
amaigris. Tout denotait les ravages d'un mal incurable et d'une douleur
sans bornes.
La scene etait plus dechirante encore lorsque je me retournai de l'autre
cote de la chambre et que je vis Marguerite gisant sur son lit. Quelques
bonnes voisines l'entouraient et pleuraient avec elle, et j'entendais le
nom d'Angeline se meler a leurs larmes. "Dieu, disait l'une, prend soin
des petits enfants, pourquoi n'en ferait-il pas autant pour votre chere
petite fille?" Marguerite a ces paroles se levait sur son lit, et leur
repondait: "Pourquoi Dieu nous l'a-t-il donnee cette enfant, notre joie
et notre bonheur, et a-t-il permis que de barbares sauvages s'en soient
empares?" Vous avez entendu, reprenait une autre voisine, ce que
monsieur le cure vous a dit: "le cheveu qui tombe de notre tete, c'est
Dieu qui l'ordonne, les tresors de sa Providence sont infinis, il veille
sur ses petits enfants. Pourquoi la votre ne serait-elle pas aussi sous
sa main?"
Pauvre Marguerite, dirai-je encore une fois, combien tu etais differente
du jour ou je t'avais vue si heureuse pretant le serment eternel d'etre
fidele a Octave, au pied de l'autel de notre vieille eglise. Oh! tu
souffrais, oui tu souffrais dans ton coeur de mere toutes les tortures
les plus atroces, physiques et morales qu'un etre humain puisse
infliger. Elle etait pale, elevait parfois aussi vers le Ciel ses yeux
baignes de larmes. Mon Dieu, mon Dieu, dit-elle, qui donc nous rendra
notre chere petite Angeline?
Octave racontait dans un autre coin de la chambre aux voisins qui
voulaient le consoler, combien il avait goute du bonheur intime avant
l'enlevement de leur petite fille. A ce dechirant tableau, je voyais les
yeux de chacun se baigner de larmes, et de mon coin je contemplais leur
desespoir, un seul mot leur eut donne une felicite supreme, mais je
me gardai bien de le prononcer, je jouissais trop des delices de ma
vengeance. Ces jouissances devinrent plus effectives encore, lorsque la
pauvre mere s'adressant a moi me demanda: Vous mon frere, qui venez
sans doute de bien loin, ne pourriez-vous pas me donner quelques
renseignements sur ce qui est devenue mon enfant? Je parus etonne et
demandai des explications.
Octave et Marguerite me raconterent l'un et l'autre ce q
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