reussir a me soustraire a l'apparition. Vainement
cherchai-je a l'eloigner de moi, je fis des efforts en raidissant les
bras pour la repousser, mais ils etaient rives au sol. Ma langue ne put
articuler un seul mot, ni mes yeux se fermer. Il ne faut pas croire que
ce que je rapporte etait l'effet d'un cerveau en delire; non certes,
j'avais la fievre, mais je les voyais tous deux. Je sentais leur
souffle, j'aurais pu les toucher, si l'epouvante et la terreur n'eussent
paralyse tout mon etre. Mes chiens eux-memes, blottis et tremblant
aupres moi, poussaient des gemissements plaintifs et semblaient me
demander protection.
Ah! combien je souffris dans ces quelques heures, je ne saurais le dire.
La force humaine a des limites: peut-etre aussi l'idee d'une priere me
vint-elle et Dieu eut-il pour moi un regard de pitie; mais ce que je
me rappelle, c'est d'avoir entendu des cris plaintifs, que des flammes
m'environnerent et que je perdis connaissance.
Quand je revins a moi, j'etais etendu sur un bon lit de sapins, un dome
de verdure me protegeait contre les rayons matinals du soleil. Les
branches entrelacees laissent filtrer une douce lumiere et la rosee du
matin me representaient avec les rayons du soleil qui les traversaient,
comme un ecrin de diamants.
Je fus quelque temps avant que de pouvoir me rendre compte de l'endroit
ou j'etais, et me rappeler ce qui s'etait passe. Apres un effort, je
reussis a me mettre sur mon seant. Mes idees devinrent plus lucides.
Angeline au pied de mon lit pleurait et priait. "Ou suis-je demandai-je
d'une voix presqu'eteinte?" Au son de ma voix, elle poussa un cri de
joie et vint m'embrasser: les mains; puis mettant un doigt mutin et
discret sur sa bouche pour me defendre de parler, elle continua d'une
voix emue; "Le bon Dieu nous a envoye un grand secours! Apres lui, c'est
a une femme des bois et a son fils surtout, que tu dois de n'etre pas
brule vif, et moi morte de faim ou d'epuisement. Ils t'ont sauve des
flammes au moment ou un affreux incendie, allume par le tonnerre,
allait t'envelopper. Il etait grand temps; crois-moi, les flammes
t'entouraient, tes vetements etaient en feu; Pere, tu etais sans
connaissance. Depuis bientot dix jours, ils te soignent et nous donnent
a tous deux la nourriture; mais ne dis pas mot, car ils me gronderaient;
vois-tu ils m'ont defendu de te laisser parler et m'ont recommande de te
faire boire a ton reveil un peu de cette tisane."
Enfin deux jours apre
|