ible. Sur les meubles et le berceau etaient
disperses les jouets. Au moment ou j'entrai dans la chambre, la petite
avait quelques-uns de ces beaux reves dores ou elle causait avec les
anges que sa mere lui avait representes comme de petites soeurs, car sa
figure etait epanouie, et un sourire d'un ineffable plaisir errait sur
ses levres. J'ai peine a me rendre compte aujourd'hui comment, malgre
mon extreme sceleratesse, je ne fus pas emu de ce touchant tableau.
Pourtant avec fureur, la saisir dans mes bras, m'elancer vers la
fenetre, et gagner le bois qui etait a deux arpents plus loin, ce fut
pour moi l'affaire d'une minute, je ne pus pas toutefois m'evader
tellement vite, que l'enfant eveillee soudainement en sursaut, jeta un
cri qui fut entendu de la vieille servante et qui la fit accourir
en toute hate a la maison. Elle alla sans doute droit au berceau de
l'enfant, car elle sortit aussitot en poussant elle aussi un autre cri
qui fut entendu des travailleurs sur l'autre rive.
Derriere un des grands arbres, je pus voir sans etre vu ce qui se
passait. Je savais que la riviere gueable qu'a plusieurs milles plus
loin, et m'etais assure qu'il n'y avait aucune embarcation qui put leur
permettre de traverser. Je vis les employes d'Octave et Marguerite les
retenir pour les empecher de se noyer, en voulant aller porter secours
a leur enfant, sans qu'ils pussent eux-memes savoir quels dangers la
menacait.
J'avais au moins deux grandes heures devant moi avant qu'ils arrivassent
a la maison. Deux heures et la nuit etendrait ses sombres voiles dans la
foret, ma fuite etait assuree.
Cependant Paulo par mon ordre, avait jete dans une des chambres de la
maison un brandon incendiaire, et etait revenu me rejoindre tandis
que que la vieille fille sur les bords de la riviere, s'arrachait les
cheveux et jetait des cris de desespoir. Bientot apres elle apercut la
fumee qui s'echappait par l'embrasure; je la vis courir a la maison, et
quelques instants plus tard le feu etait eteint, mais l'enfant deposee
dans une hotte que j'avais preparee expres etait sur mes epaules, et je
pris ma course vers la profondeurs des bois, Paulo me suivait et portait
les provisions.
Je marchai ainsi sans relache deux jours et deux nuits, ne m'arretant
qu'un instant pour donner quelque nourriture a la petite malheureuse,
ne prenant pas moi-meme le temps de dormir. La troisieme journee, nous
devions avoir parcouru une distance considerable, et par les pre
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