rsque je me levai de
table, je sentis dans mon coeur quelque chose que je n'avais pas encore
eprouve.
Le bal s'ouvrit ensuite, je dansai plusieurs fois avec cette jeune fille
que je nommerai Marguerite, et quand la veillee fut finie, qu'elle
fut partie avec ses parents, j'eprouvai un vide mele de charme et un
sentiment de vague inquietude indefinissable. Il fallut m'avouer, que de
l'avoir vue au bras d'un beau et loyal jeune homme, et echanger ensemble
des paroles d'intimite en etait la cause. Quelques regards que j'avais
surpris produisirent dans mon etre un bouleversement jusqu'alors
inconnu. Ce jeune homme s'appelait Octave, il avait ete mon condisciple
de college et jusqu'a ce temps mon ami. Il avait termine ses etudes
depuis deux ans, et etait revenu prendre les travaux des champs sur
la ferme de son pere. Ca fut en vain cette nuit-li que je cherchai le
sommeil, je la passai a me rouler sur mon lit, et, lorsque plus calme
le lendemain matin, je voulus descendre dans les replis de mon ame,
je sentis que j'aimais eperdument Marguerite, et que le demon de la
jalousie allait prendre possession de moi.
Je formai donc la resolution du ne plus la revoir. Effectivement, bien
des jours se passerent, oui quinze longs jours s'ecoulerent avant que je
la revisse, et cependant pas une heure, pas un instant au jour ou de
la nuit sans que je pensasse, que je revasse a elle. Tout le monde me
faisait des reproches sur mon air morne et abattu, j'avais perdu le
sommeil et l'appetit. Mes parents etaient inquiets, ma bonne mere ne
manquait pas de l'attribuer au travail excessif de mes etudes.
Cependant il fallut ceder aux obsessions et retourner aux soirees du
village. Je croyais etre assez fort pour pouvoir affronter le danger.
J'y rencontrais frequemment Marguerite et Octave et m'en revenais chaque
soir de plus on plus eperdument amoureux et jaloux. Son nom m'arrivait
sur les levres a chaque jeune fille dont j'apercevais dans le lointain
la robe onduler sous les caresses de la brise. Je partais pour la chasse
sans munitions, ni carnassiere et allais m'asseoir sur le bord de la
mer, et la, des journees entieres je pensais a elle. La plainte de
la vague gui venait tristement deferler sur la plage convenait a ma
tristesse.
Ainsi se passa ma premiere annee chez mes parents. La demeure de
Marguerite etait presque voisine de la notre, nous nous visitions
reciproquement et la voyais tres frequemment, Il etait impossible
qu'elle ne s
|