rnage, je ne pus
voir sans fremir les cadavres de ces hommes forts et braves, dont la
vigueur et la jeunesse auraient pu etre si utiles, si elles eussent ete
tournees au bien.
Nos ennemis que nous n'avions pu lier que grace a la perte de sang qui
avait diminue leurs forces, conservaient sur leurs figures palies,
l'expression d'une sauvage ferocite.
Cependant notre pauvre canadien s'affaiblissait visiblement. Le nombre
de blesses et de pansements que j'avais vus dans nos guerres m'avait
donne quelqu'idee de chirurgie et quelques connaissances pratiques de
medecine. Je ne me faisais donc pas d'illusions sur le resultat de la
blessure; lui-meme de son cote pressentait sa fin prochaine. Cette
blessure, il l'avait recue apres le combat de la maniere la plus
traiteuse.
Comme je l'ai dit, Paulo avait ete blesse grievement sans toutefois
l'avoir ete dangereusement. Par compassion, on lui avait laisse un
bras libre. Pendant que j'etais occupe a donner des soins a mes chers
blesses, il me fit demander par Bidoune de vouloir bien aller le
trouver, pretextant qu'il avait quelque chose d'important a me
communiquer. Je lui fis repondre que je n'avais pas le temps de me
rendre aupres de lui pour le moment. Le canadien lui porta ma reponse,
il le supplia de lui donner a boire, ce que celui-ci fit volontiers.
Mais Paulo se pretendait trop faible pour pouvoir lever la tete, alors
ce brave homme se mit a genoux aupres de lui, lui souleve la tete d'une
main tandis que de l'autre il lui presentait de l'eau fraiche melee a
quelques gouttes d'eau de vie qu'il avait tirees de sa gourde. Tout
occupe a cet acte de charite, il ne remarqua pas le mouvement de Paulo.
Il avait glisse sa main libre sous lui, avait saisi son poignard
et l'avait enfonce dans la poitrine de son bienfaiteur. Il allait
redoubler, mais le canadien avait eu la force de se mettre hors de ses
atteintes. Ce forfait avait ete commis en moins de temps que je ne mets
a le rapporter.
Baptiste avait tout vu, aussi poussa-t-il un rugissement terrible et
saisissant son casse-tete il aurait fendu le crane du miserable si je ne
me fusse trouve la, pour arreter son bras. J'eus toutes les peines
du monde a le detourner de son projet de tuer immediatement le lache
assassin. Il ne ceda qu'apres que je lui eusse explique combien plus
terrible serait sa punition d'agoniser dans les chaines d'un cachot, en
attendant le jour de son proces ou le moment de son execution.
Tout en lui
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