s accablerent des plus affreuses
maledictions. Nul doute que s'ils eussent pu briser leurs chaines, ils
se fussent precipites sur nous avec une rage infernale pour essayer a
nous devorer a belles dents.
Cependant ce ne fut pas sans emotion que je jetai sur Paulo un dernier
regard et lui dit qu'il n'avait plus rien a esperer de la clemence des
hommes et qu'il devait se preparer par le repentir a comparaitre devant
un juge plus redoutable que ceux de la terre. Il me repondit par
d'affreux blasphemes et d'abominables imprecations.
Tels furent ses adieux, je ne devais plus le revoir.
Une fois hors de la prison, je sentis interieurement un soulagement
indicible, ma vie jusqu'alors si tourmentee allait enfin prendre un
cours plus calme, plus tranquille.
DERNIERS JOURS DE PAULO ET RODINUS
Je suis seul dans la profondeur des bois, la lune envoie quelques rayons
faibles qui percent a peine le dome de feuillage jauni que la brise
d'automne eparpille a mes pieds.
Depuis deux mois, me demandai-je, pourquoi cette inquietude, ce malaise
dont je ne puis me debarrasser? En allant conduira Paulo et son complice
a la prison de Quebec je n'ai pas voulu aller voir mes soeurs, j'ai
resiste au plaisir de revoir mon Adala et sa pauvre vieille mere. Et
pourtant, j'aurais ete heureux d'embrasser ma chere enfant et de donner
une bonne poignee de mains a mes soeurs ainsi qu'a Aglaousse. J'ai cru
devoir en faire le sacrifice.
Adala sous leurs soins maternels doit avoir retrouve une partie de
toutes les jouissances qu'elle n'avait pas connues dans les bras de sa
mere. Peut-etre une priere qu'elle m'eut adressee de revenir aupres
d'elle, sa vue, son sourire, m'eussent-ils trouve assez faible pour
acceder a son desir.
En agissant ainsi, j'ai cede a la raison et au devoir.
Il y a trois jours, j'etais agenouille au pied d'une croix que j'ai fait
eriger sur les bords du lac a la Truite.
Le temps etait sombre et triste, le soleil brillait par intervalles au
travers des nuages que le vent faisait entrechoquer dans l'espace. Dans
leur chaos, leurs courses desordonnees, il me semblait revoir toutes les
mauvaises passions qui m'avaient empeche comme tant d'autres de voir
le flambeau religieux qui nous eclaire, et que nous n'apercevons que
lorsque le mal qui obscurcit notre intelligence, lui laisse un espace
pour se montrer.
Il y a trois jours, ai-je dit, je priais avec ferveur au pied de cette
croix et je pleurais. Je pleurai
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