sait pas que j'ai fait mon devoir, c'est que
tous mes efforts ont ete infructueux et inutiles pour faire germer au
coeur des deux grands pecheurs, une pensee ou un sentiment de repentir."
"J'incline mon neant devant les insondables decrets du Tres-Haut. Qui
sait peut-etre au moment ou ils allaient etre lances dans l'eternite, un
_peccavi_ que la corde ne leur a pas permis d'articuler, s'est-il eleve
du fond de leur ame."
"Frere, prions pour eux qu'ils aient trouve grace, priez aussi pour
ce pauvre pretre afin que Dieu rende son travail efficace, lorsqu'il
tentera de ramener a lui des ames egarees."
"Je suis avec estime, votre bien sincere ami."
P. S.
"ODILLON ptre."
"J'oubliais de vous remercier de l'envoi genereux que vous m'avez fait.
Cet argent sera distribue aux pauvres, et c'est sur votre tete et sur
celles de ceux qui vous sont chers, que retomberont les benedictions
qu'ils demanderont au ciel, en reconnaissance de vos bienfaits."
"ODILLON ptre."
Septembre 17. "Je suis entre dans leur cachot vers six heures pour
passer la nuit aupres des malheureux et essayer a verser dans leur coeur
un peu de calme et de repentir. Ils etaient dans un etat d'exasperation
epouvantable. Leurs yeux etaient hors de tete, leurs figures sinistres
et empreintes d'une haine indicible. Leurs mains etaient couvertes du
sang qui s'echappait des blessures que les fers leur avaient faites en
essayant a s'elancer l'un sur l'autre pour se frapper et se dechirer. De
leurs bouches s'echappaient une ecume sanglante et d'affreux blasphemes.
Ma vue loin de les apaiser ne fit plutot que redoubler leur rage. Ils
parurent meme la concentrer sur ma personne, car comme je m'approchais
pour les calmer, ils se sont tous deux precipite sur moi et m'ont
violemment repousse. Toute la nuit s'est ainsi passee dans des
paroxysmes de fureur sans que j'aie pu leur faire entendre une parole de
raison."
"La cause de cette haine frenetique qu'ils se portent, vient de ce que
tous deux ont tente de se rendre temoins du roi, avec l'assurance qu'ils
voulaient faire donner aux autorites qu'on leur laisserait la vie sauve.
A cette condition, ils auraient tout avoue."
"Ces demarches, ils les avaient faites a l'insu l'un de l'autre et elles
leur avaient ete revelees le jour de leur proces. Or de tous les hommes
celui que les sauvages abhorrent le plus et auquel ils ne pardonnent
jamais, c'est au delateur et au traitre; aussi lorsqu'ils le tiennent en
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