ma
palette.
Je me suis donc resigne a ecrire les faits dont j'ai ete temoin, comme
je les aurais dessines, cherchant a reproduire leur cote pittoresque
sans blesser personne. Peut-etre ces simples esquisses recueillies a la
hate par un artiste qui depuis vingt ans a assiste, soit comme
correspondant de nos premieres feuilles, soit comme peintre officiel de
la marine, a tous les grands evenements contemporains, auront-elles leur
enseignement et leur utilite. C'est tout ce que j'espere, tout ce que je
desire pour ce petit livre.
H. DURAND-BRAGER.
Paris, janvier 1861.
I
Marsala est une jolie petite ville, coquettement assise sur les plages
fertiles qui s'etendent de Trapani a Girgenti. Fortifiee jadis, comme
presque toutes les villes de la Sicile, elle a conserve ses murs et ses
remparts moyen age; mais, debordant sa ceinture, elle a fini par
s'etendre en dehors des anciens fosses. Le faubourg, qui relie la ville
au port, est presque moderne. Il y a un siecle, environ, le port de
Marsala etait a peu pres sur, et des navires d'un fort tonnage pouvaient
y venir chercher abri. L'indifference du gouvernement l'a laisse
combler presque entierement, et des bateaux d'une centaine de tonneaux
ont, de nos jours, de la peine a y mouiller. La jetee qui le ferme est
elle-meme dans le plus triste etat, et chaque nouvelle tempete enleve
une partie de ses enrochements. Il y a presque un kilometre du port a la
ville. On a construit sur les quais de vastes magasins et d'importants
etablissements qui appartiennent, en grande partie, aux Anglais. C'est
la que se fabriquent les vins de Marsala. Une seule maison sicilienne,
la maison Florio, represente le commerce italien. Sur la gauche s'eleve
le Monte di Trapani, couronne par son ancien chateau et sa vieille
ville, sejour de la colonie albanaise, dont les membres ont continue de
vivre entre eux et pour eux, sans jamais se meler ou s'allier au reste
de la population.
Rien n'est gai comme l'aspect de cette petite ville lorsqu'on la
decouvre par une belle matinee. Une vapeur bleuatre l'entoure du cote de
la campagne et fait ressortir la couleur chaude et transparente a la
fois des murailles et des tours, tandis que le soleil dore les plages de
sable et resplendit sur les facades blanches et roses des maisons.
Tel etait le tableau qu'on pouvait contempler le 11 mai dernier avec les
premieres lueurs du jour.
Une corvette de guerre anglaise reposait tranquill
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