aient des attitudes mecontentes, embarrassees, hesitantes. Au
moment ou ils allaient sortir, Talouel les retint d'un geste de
main:
"Le patron vous a-t-il dit autre chose que ce que je vous avais
deja dit moi-meme? Non, n'est-ce pas. Seulement il vous l'a dit
moins doucement que moi, et il a eu raison.
-- Raison! Ah! malheur!
-- Vo n'direz point ca.
-- Si, je le dirai parce que c'est la verite. Moi, je suis
toujours pour la verite et la justice. Place entre le patron et
vous, je ne suis pas plus de son cote que du votre, je suis du
mien qui est le milieu. Quand vous avez raison, je le reconnais;
quand vous avez tort, je vous le dis. Et aujourd'hui vous avez
tort. Ca ne tient pas debout vos reclamations. On vous pousse, et
vous ne voyez pas ou l'on vous mene. Vous dites que le patron vous
exploite, mais ceux qui se servent de vous vous exploitent encore
bien mieux; au moins le patron vous fait vivre, eux vous feront
crever de faim, vous, vos femmes, vos enfants. Maintenant il en
sera ce que vous voudrez, c'est votre affaire bien plus que la
mienne. Moi je m'en tirerai avec de nouvelles machines qui
marcheront avant huit jours et feront votre ouvrage mieux que
vous, plus vite, plus economiquement, et sans qu'on ait a perdre
son temps a discuter avec elles -- ce qui est quelque chose,
n'est-ce pas? Quand vous aurez bien tire la langue, et que vous
reviendrez en couchant les pouces, votre place sera prise, on
n'aura plus besoin de vous. L'argent que j'aurai depense pour mes
nouvelles machines, je le rattraperai bien vite. Voila. Assez
cause.
-- Mais...
-- Si vous n'avez pas compris, c'est bete; je ne vais pas perdre
mon temps a vous ecouter."
Ainsi congedies, les trois ouvriers s'en allerent la tete basse,
et Perrine reprit son attente jusqu'a ce que Guillaume vint la
chercher pour l'introduire dans un vaste bureau ou elle trouva
M. Vulfran assis devant une grande table couverte de dossiers
qu'appuyaient des presse-papiers marques d'une lettre en relief,
pour que la main les reconnut a defaut des yeux, et dont l'un des
bouts etait occupe par des appareils electriques et telephoniques.
Sans l'annoncer, Guillaume avait referme la porte derriere elle.
Apres un moment d'attente, elle crut qu'elle devait avertir
M. Vulfran de sa presence:
"C'est moi, Aurelie, dit-elle.
-- J'ai reconnu ton pas; approche et ecoute-moi. Ce, que tu m'as
raconte de tes malheurs, et aussi l'energie que tu as montree
m'ont in
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