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s'etaient eleves entre son frere et lui; souvent apres les
gourmades qui constituaient de sa part des crimes de lese-majeste,
apres les combats a coups de poings et d'ongles, que le roi et son
sujet tres insoumis se livraient en chemise sur un lit conteste,
ayant le valet de chambre La Porte pour tout juge du camp,
Philippe, vainqueur, mais epouvante de sa victoire, etait alle
demander du renfort a sa mere, ou du moins l'assurance d'un pardon
que Louis XIV n'accordait que difficilement et a distance. Anne
avait reussi, par cette habitude d'intervention pacifique, a
concilier tous les differends de ses fils et a participer par la
meme occasion a tous leurs secrets.
Le roi, un peu jaloux de cette sollicitude maternelle qui
s'epandait surtout sur son frere, se sentait dispose envers Anne
d'Autriche a plus de soumission et de prevenances qu'il n'etait
dans son caractere d'en avoir.
Anne d'Autriche avait surtout pratique ce systeme de politique
envers la jeune reine.
Aussi regnait-elle presque despotiquement sur le menage royal, et
dressait-elle deja toutes ses batteries pour regner avec le meme
absolutisme sur le menage de son second fils. Anne d'Autriche
etait presque fiere lorsqu'elle voyait entrer chez elle une mine
allongee, des joues pales et des yeux rouges, comprenant qu'il
s'agissait d'un secours a donner au plus faible ou au plus mutin.
Elle ecrivait, disons-nous, lorsque Monsieur entra dans son
oratoire, non pas les yeux rouges, non pas les joues pales, mais
inquiet, depite, agace.
Il baisa distraitement les bras de sa mere, et s'assit avant
qu'elle lui en eut donne l'autorisation.
Avec les habitudes d'etiquette etablies a la cour d'Anne
d'Autriche, cet oubli des convenances etait un signe d'egarement,
de la part surtout de Philippe, qui pratiquait si volontiers
l'adulation du respect.
Mais, s'il manquait si notoirement a tous ces principes, c'est que
la cause en devait etre grave.
-- Qu'avez-vous, Philippe? demanda Anne d'Autriche en se tournant
vers son fils.
-- Ah! madame, bien des choses, murmura le prince d'un air dolent.
-- Vous ressemblez, en effet, a un homme fort affaire, dit la
reine en posant la plume dans l'ecritoire.
Philippe fronca le sourcil, mais ne repondit point.
-- Dans toutes les choses qui remplissent votre esprit, dit Anne
d'Autriche, il doit cependant s'en trouver quelqu'une qui vous
occupe plus que les autres?
-- Une, en effet, m'occupe plus que les autr
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