'ai pas tant de philanthropie
Et je dis anatheme, a cette race impie.
II.
Entrez dans leurs taudis. Parmi tous ces haillons,
Vous verrez s'allumer de flamboyants rayons.
Moins l'aile et le bec d'aigle ils sont en tout semblables
Aux avares griffons dont nous parlent les fables,
Et veillent accroupis sans cligner leurs yeux verts,
Sur de gros monceaux d'or de fumier recouverts
Pour y chercher de l'or, ils vous fendraient le ventre;
Pour l'or ils perceraient la terre jusqu'au centre,
Ils iraient dans le ciel, de leurs marteaux hardis,
Arracher vos clous d'or, portes du paradis!
Et pour les faire fondre en vos cavernes noires,
Anges et cherubins ils vous prendraient vos gloires.
Non que l'or soit pour eux ce qu'il serait pour nous,
Un moyen d'imposer ses volontes a tous,
Et de faire fleurir sa libre fantaisie
Comme un lotus qui s'ouvre au chaud pays d'Asie.
L'or, ce n'est pas pour eux des chateaux au soleil,
Un voyage lointain sous un ciel plus vermeil,
Un serail a choisir, de belles courtisanes,
Baignant de noirs cheveux leurs tempes diaphanes;
Des coureurs de pur sang, une meute de chiens,
Une collection de grands maitres anciens,
L'imperial tokay, cote a cote en sa cave,
Avec les pleurs de Christ sur leur natale lave.
L'or, ce n'est pas pour eux la clef de l'ideal,
L'anneau de Salomon, le talisman fatal,
Qui, forcant a venir les demons et les anges,
Fait les realites de nos reves etranges.
Ils aiment l'or pour l'or: c'est la leur passion;
Le seul bonheur pour eux c'est la possession;
Comme un vieil impuissant aime une jeune fille;
Quoiqu'ils n'en fassent rien, ils aiment l'or qui brille,
Et voudraient sous leurs dents, pour grossir leur tresor
Pouvoir, comme Midas, changer le pain en or.
Les choses de ce monde et les choses divines,
Les plus grands souvenirs, les plus saintes ruines,
Ils ne respectent rien et vont detruisant tout.
Ils jettent sans pitie dans le creuset qui bout,
Avec leurs cercueils peints et dores, les momies
Des generations dans le temps endormies.
Ils brulent le passe pour avoir ce peu d'or
Qu'aux plis de son manteau les ans laissaient encor.
Chandeliers de l'autel, vases du sacrifice,
Ouvrages merveilleux pleins d'art et de caprice,
Cadres et bas-reliefs aux fantasques dessins,
L'ange du tabernacle et les chasses des saints,
Les beaux lambris d'eglise et les stalles sculptees
Gisent au fond des cours a pleines charretees;
Pour cuire leur pature ils n'ont pas d'autre bois
|