ans les sables brulants,
Sur l'oreiller velu de tes pattes croisees
Pose ton mufle enorme, aux babines froncees;
Dors et prends patience, o lion du desert;
Demain, Cesar le veut, de ton cachot ouvert,
Demain tu sauteras dans la pleine lumiere,
Au beau milieu du Cirque, aux yeux de Rome entiere,
Et de tous les cotes les applaudissements
Repondront comme un choeur a tes grommelements.
On te tient en reserve une vierge chretienne,
Plus blanche mille fois que la Venus paienne;
Tu pourras a loisir, de tes griffes de fer,
Rayer ce dos d'ivoire et cette belle chair;
Tu boiras ce sang pur, vermeil comme la rose:
Ne frotte plus ton nez contre la grille close,
Songe, sous ta criniere, au plaisir de ronger
Un beau corps tout vivant, et de pouvoir plonger
Dans le goufre beant de ta gueule qui fume,
Une tete ou deja l'aureole s'allume.
Le Belluaire ainsi gourmande son lion,
Et le lion fait treve a sa rebellion.
Mais toi, sauvage amour, qui, la prunelle en flamme,
Rugis affreusement dans l'antre de mon ame,
Je n'ai pas de victime a promettre a ta faim,
Ni d'esclave chretienne a te jeter demain;
Tache de t'apaiser, ou je m'en vais te clore
Dans un lieu plus profond et plus sinistre encore;
A quoi bon te debattre et grincer et hurler?
Le temps n'est pas venu de te demuseler.
En attendant le jour de revoir la lumiere,
Silencieusement, a l'angle d'une pierre,
Ou contre les barreaux de ton noir souterrain,
Aiguise le tranchant de tes ongles d'airain.
LAMENTO.
Connaissez-vous la blanche tombe,
Ou flotte avec un son plaintif
L'ombre d'un if?
Sur l'if, une pale colombe,
Triste et seule, au soleil couchant,
Chante son chant.
Un air maladivement tendre,
A la fois charmant et fatal,
Qui vous fait mal,
Et qu'on voudrait toujours entendre;
Un air, comme en soupire aux cieux
L'ange amoureux.
On dirait que l'ame eveillee
Pleure sous terre, a l'unisson
De la chanson,
Et, du malheur d'etre oubliee,
Se plaint dans un roucoulement
Bien doucement.
Sur les ailes de la musique
On sent lentement revenir
Un souvenir;
Une ombre de forme angelique
Passe dans un rayon tremblant,
En voile blanc.
Les belles de nuit, demi-closes,
Jettent leur parfum faible et doux
Autour de vous,
Et le fantome aux molles poses
Murmure en vous tendant les bras:
Tu reviendras!
Oh! jamais plus, pres de la tombe
Je n'irai, quand descend le soir
Au manteau noir,
Ecouter la pale colombe
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