ueur se fige a votre front en nage;
L'air trop vif vous etouffe: allons, enfant, courage!
Vous etes pres des cieux; allons, un pas encor!
Et vous pourrez toucher, de votre main surprise,
L'archange colossal que fait tourner la brise,
Le saint Michel geant qui tient un glaive d'or;
Et si, vous accoudant sur la rampe de marbre,
Qui palpite au grand vent, comme une branche d'arbre,
Vous dirigez en bas un oeil moins effraye;
Vous verrez la campagne a plus de trente lieues,
Un immense horizon, borde de franges bleues,
Se deroulant sous vous comme un tapis raye;
Les carres de ble d'or, les cultures zebrees,
Les plaques de gazon, de troupeaux noirs tigrees;
Et, dans le sainfoin rouge, un chemin blanc fraye;
Les cites, les hameaux, nids semes dans la plaine,
Et partout, ou se groupe une famille humaine,
Un clocher vers le ciel, comme un doigt s'allongeant.
Vous verrez dans le golfe, aux bras des promontoires,
La mer se diaprer et se gauffrer de moires,
Comme un kandjiar turc damasquine d'argent;
Les vaisseaux, alcyons balances sur leurs ailes,
Piquer l'azur lointain de blanches etincelles
Et croiser en tous sens leur vol intelligent.
Comme un sein plein de lait gonflant leurs voiles ronde,
Sur la foi de l'aimant, ils vont chercher des mondes,
Des rivages nouveaux sur de nouvelles mers!
Dans l'Inde, de parfums, d'or et de soleil pleine,
Dans la Chine bizarre, aux tours de porcelaine,
Chimerique pays peuple de dragons verts;
Ou vers Otaiti, la belle fleur des ondes,
De ses longs cheveux noirs tordant les perles blondes,
Comme une autre Venus, fille des flots amers!
A Ceylan, a Java, plus loin encor peut-etre,
Dans quelque ile deserte et dont on se rend maitre;
Vers une autre Amerique echappee a Colomb!
Helas! et vous aussi, sans crainte, o mes pensees!
Livrant aux vents du ciel vos ailes empressees,
Vous tentez un voyage aventureux et long.
Si la foudre et le nord respectent vos antennes,
Des pays inconnus et des iles lointaines
Que rapporterez-vous? de l'or, ou bien du plomb?...
La spirale soudain s'interrompt et se brise.
Comme celui qui monte au clocher de l'eglise,
Me voici maintenant au sommet de ma tour.
J'ai plante le drapeau tout au haut de mon oeuvre.
Ah! que depuis longtemps, pauvre et rude manoeuvre,
Insensible a la joie, a la vie, a l'amour.
Pour garder mon dessin avec ses lignes pures,
J'emousse mon ciseau contre des pierres dures,
Elevant a grand'peine une assise par jour
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