erte, son lit a peine foule par le repos
d'un instant qu'il y avait pris, et sa chambre dans l'ordre accoutume.
On le chercha partout, et, comme il arrivait toujours en ces sortes de
circonstances, on ne le trouva nulle part; apres quoi la famille retomba
dans un des acces de morne resignation dont Amelie avait parle a
Consuelo, et l'on parut attendre, avec cette muette terreur qu'on
s'etait habitue a ne plus exprimer, le retour, toujours espere et
toujours incertain, du fantasque jeune homme.
Bien que Consuelo eut desire ne pas faire part aux parents d'Albert de
la scene etrange qui s'etait passee dans la chambre d'Amelie, cette
derniere ne manqua pas de tout raconter, et de decrire sous de vives
couleurs l'effet subit et violent que le chant de la Porporina avait
produit sur son cousin.
"Il est donc bien certain que la musique lui fait du mal! observa le
chapelain.
--En ce cas, repondit Consuelo; je me garderai bien de me faire
entendre; et lorsque je travaillerai avec notre jeune baronne, nous
aurons soin de nous enfermer si bien, qu'aucun son ne puisse parvenir a
l'oreille du comte Albert.
--Ce sera une grande gene pour vous, ma chere demoiselle, dit la
chanoinesse. Ah! il ne tient pas a moi que votre sejour ici ne soit plus
agreable!
--J'y veux partager vos peines et vos joies, reprit Consuelo, et je ne
desire pas d'autre satisfaction que d'y etre associee par votre
confiance et votre amitie.
--Vous etes une noble enfant! dit la chanoinesse en lui tendant sa
longue main, seche et luisante comme de l'ivoire jaune. Mais ecoutez,
ajouta-t-elle; je ne crois pas que la musique fasse reellement du mal a
mon cher Albert. D'apres ce que raconte Amelie de la scene de ce matin,
je vois au contraire qu'il a eprouve une joie trop vive; et peut-etre sa
souffrance n'est venue que de la suspension, trop prompte a son gre, de
vos admirables melodies. Que vous disait-il en espagnol? C'est une
langue qu'il parle parfaitemeut bien, m'a-t-on dit, ainsi que beaucoup
d'autres qu'il a apprises dans ses voyages avec une facilite
surprenante. Quand on lui demande comment il a pu retenir tant de
langages differents, il repond qu'il les savait avant d'etre ne, et
qu'il ne fait que se les rappeler, l'une pour l'avoir parlee il y a
douze cents ans, l'autre lorsqu'il etait aux croisades; que sais-je?
helas! Puisqu'on ne doit rien vous cacher, chere signora, vous entendrez
d'etranges recits de ce qu'il appelle ses existences anteri
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