eptieme siecle, des hommes
tinrent encore les roles de vieilles femmes et de soubrettes. Ce fut
Bejart qui crea madame Pernelle. Beauval parut dans madame Jourdain,
madame de Sottenville, Philaminte. Essayez aujourd'hui de retablir une
pareille distribution, et la tentative semblera orduriere.
Ajoutez que beaucoup de roles etaient joues sous le masque. Cela du coup
tuait l'expression, tout un coin de l'art du comedien. Pourvu que le
vers fut lance, le public etait content. Il paraissait n'eprouver aucun
besoin de realite materielle. J'ai trouve dans l'ouvrage de M. Jullien
une phrase qui m'a frappe. "Oreste, Cesar, Horace, dit-il, etaient
burlesquement travestis en courtisans de la plus grande cour d'Europe,
et cette mode, qui nous paraitrait aujourd'hui si deplaisante, ne
choquait en rien nos ancetres, qui semblaient, a dire vrai, ne juger
les oeuvres dramatiques que par les yeux de la pensee, en faisant
abstraction complete de la representation theatrale." Tout est la,
meditez cette expression: "Les yeux de la pensee".
En effet, la grande evolution naturaliste, qui part du quinzieme siecle
pour arriver au notre, porte tout entiere sur la substitution lente de
l'homme physiologique a l'homme metaphysique. Dans la tragedie,
l'homme metaphysique, l'homme d'apres le dogme et la logique, regnait
absolument. Le corps ne comptant pas, l'ame etant regardee comme
l'unique piece interessante de la machine humaine, tout drame se passait
en l'air, dans l'esprit pur. Des lors, a quoi bon le monde tangible?
Pourquoi s'inquieter du lieu ou se passait l'action? Pourquoi s'etonner
d'un costume baroque, d'une declamation fausse? Pourquoi remarquer que
la reine Didon etait un garcon que sa barbe naissante forcait a porter
un masque? Tout cela n'importait pas, on ne descendait pas a ces
miseres, on ecoutait la piece comme une dissertation d'ecole sur un cas
donne. Cela se passait au-dessus de l'homme, dans le monde des idees, si
loin de l'homme reel, que la realite du spectacle aurait gene.
Tel est le point de depart, le point religieux dans les Mysteres, le
point philosophique plus tard dans la tragedie. Et c'est des le debut
aussi que l'homme naturel, etouffe sous la rhetorique et sous le dogme,
se debat sourdement, veut se degager, fait de longs efforts inutiles,
puis finit par s'imposer membre a membre. Toute l'histoire de notre
theatre est dans ce triomphe de l'homme physiologique apparaissant
davantage a chaque epoque, sous le
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