nuer aisement ce travail. Il verra combien
il est malaise de trouver une Froufrou; j'ai pris ce personnage de
Froufrou comme type d'un personnage strictement moderne, parce que
l'actualite me l'apportait et qu'il est, en effet, suffisamment
caracteristique. Si l'on imagine un role plus accentue encore, n'ayant
plus certains cotes de grace facile, vivant une vie moins factice, d'une
classe moins elegante, on comprendra que le choix d'une interprete
devient alors d'une difficulte presque insurmontable. Ou decouvrir une
femme assez artiste pour vivre sur les planches la vie qu'elle voit tous
les jours dans la rue, pour oublier les grimaces apprises et se donner
tout entiere, avec ses souffrances et ses joies? Ce qui complique les
choses, c'est que la modernite tend a rendre les oeuvres dramatiques
tres complexes: les roles ne sont plus d'un seul jet, coules dans une
abstraction; ils reproduisent toute la creature qui pleure et qui rit,
qui se jette continuellement a droite et a gauche. Des lors, ces roles
demandent une composition extremement serree. Il faut un grand talent
pour s'en tirer avec honneur.
J'ai mis la Comedie-Francaise a part. Les debutants n'y sont point joues
facilement. Il y a pourtant la une societaire, madame Sarah Bernhardt,
qui a la flamme moderne. Jusqu'a present, il me semble qu'elle n'a pas
eu une creation ou elle se soit donnee completement. On a goute sa voix
si souple et si sonore, dans ce role de dona Sol, qui n'est guere qu'un
role de figurante. On a admire sa science dans _Phedre_ et dans le
repertoire romantique. Mais, selon moi, la tragedie et le drame
romantique ont des liens traditionnels qui garrottent sa nature. Je la
voudrais voir dans une figure bien moderne et bien vivante, poussee dans
le sol parisien. Elle est fille de ce sol, elle y a grandi, elle l'aime
et en est une des expressions les plus typiques. Je suis persuade
qu'elle ferait une creation qui serait une date dans notre histoire
dramatique.
Nous avons bien vu madame Sarah Bernhardt dans l'_Etrangere_, de M.
Dumas. Mais, vraiment, son personnage de miss Clarkson etait une
plaisanterie par trop romantique. Cette Vierge du mal qui parcourait
la terre pour se venger des hommes, en se faisant aimer d'eux et en
se regalant ensuite de leurs souffrances, est a mon sens une des
imaginations les plus comiques qu'on puisse voir. L'artiste avait
surtout, au troisieme acte, je crois, un interminable monologue, d'une
drolerie achevee.
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